Qu’ils sont précieux, ces instants où, avec la rage de vivre, on envoie valser sa soupe quotidienne sur le sol. Ces moments d’éveil où l’on ose enfin s’écouter. Comment se fait-il que nous oublions si souvent cette chose simple et logique : ce qui nous fait battre le coeur est ce qui nous rend vivant.
Pourtant, les artistes et œuvres à ce sujet ne manquent pas. Les livres de développement personnel ont leur propre rayon dans les magasin culturels. Les vidéos de coachs de vie pullulent sur le web. Sans parler des conférences bien-être dont le prix des billets d’entrée explosent ! Peut-être ne savons-nous tout simplement plus à quel saint nous vouer, dans cette nouvelle industrie du “moi amélioré” ? Une chose est sûre : quand on nous invite à tout plaquer pour vivre nos rêves et changer le monde au passage, ça nous met le ravioli en ébullition. Et pour ma part, les premières à avoir réussi cet exploit sont les soeurs Wachowski avec leurs oeuvres.
En 1997, avec Matrix, elles venaient (r)éveiller un public pas toujours averti à coup de concepts philosophiques et spirituels émancipateurs, sublimés par des scènes d’action à couper le souffle. (Inutile, ici, de rappeler la naissance du Bullet Time !) En 2012, elles ont continué à titiller nos connexions en mettant brillamment en scène les protagonistes de Cloud Atlas, tous chargés de prendre en main leur destin pour faire évoluer l’Histoire. Plus récemment (2015) elles ont délicatement cueilli et partagé des morceaux de Monde et d’Humanité avec la série Sense 8, véritable ode à l’amour, au courage et à l’intuition. Les soeurs Wachowski nous invitent à devenir acteurs de nos vies. Surtout Lana qui, bien que discrète sur la toile et dans la presse, trouve toujours de belles occasions pour diffuser des discours engagés et engageants. D’ailleurs, Lana en motive plus d’un rien qu’avec son sourire, ses yeux pétillants et son énergie à déplacer des montagnes. Et ça, je m’en suis rendue compte en février 2020, lorsque j’ai eu l’immense honneur de la rencontrer !
L’invitation au voyage
Grande fan de Matrix, je suis ravie d’apprendre en août 2019 que ma saga cinématographique préférée va s’offrir un 4ème volet en mai 2021. L’annonce de ce nouvel opus tombe comme un cadeau pour les fans qui célèbrent alors les 20 ans du film culte. Il reste donc 21 mois à attendre avant de retrouver Néo et Trinity sur grand écran… Et je me languis déjà des nouvelles questions philosophiques que leurs aventures soulèveront !
Il faut dire qu’ils font du bien, tous ces concepts qui donnent à réfléchir et que les Wachowski nous servent avec une si belle énergie ! Et j’en ai tellement besoin car, même si j’ai été éveillée par Matrix à mes 10 ans, me voici, à 30 ans, un peu endormie dans le moule de base : maison à crédit, couple avec bébé, voiture, CDI. Le bonheur certes, mais bien lisse en comparaison de tout ce qui bouillonne en moi. J’ai beau adorer mon travail de conseillère clientèle dans une boite de jeu vidéo en France, il ne me permet pas d’exprimer tout ce que j’ai, que je contiens, et qui ne sort que lorsque je joue la comédie.
Alors vais-je, moi qui rêve d’être actrice, passer les 21 mois prochains mois à attendre Matrix 4 terrée dans mon emploi de bureau ? Suis-je prête à accepter de subir des centaines de matins, à voir cette vérité dérangeante dans le miroir : “je ne vis pas mes rêves” ? Impossible ! Je dois tout faire pour prendre part à l’aventure Matrix 4 ; pour aller au coeur de la fiction et y sentir battre la réalité ! C’est donc en septembre 2019 que j’entreprends cette quête inespérée de participer à la saga qui, dès que je la visionne, allume tant d’étincelles en moi.
“J’OSE TOUT CE QUI SIED A UN HOMME, QUI N’OSE PLUS N’EN EST PAS UN.”
– V, V pour Vendetta. (Citation de Macbeth)
Mes premières recherches font écho à celles de Thomas Anderson : c’est sur le web que je tente d’approcher Lana Wachowski. Mais celle-ci s’y faisant très discrète, j’en conclus que je dois envoyer une lettre, à l’ancienne, à son agence artistique de Beverly Hills. Je glisse donc mes espoirs dans du papier craft et je les affranchis (de toute peur de l’échec).
Malheureusement, après moultes semaines de CTRL+F5 sur le suivi de ma lettre et quelques conversations téléphoniques avec les agents d’USPS, j’apprends que mon courrier s’est perdu. Pas le choix : je dois continuer à creuser sur le web. A force de triturer Google, je croise souvent le même site de castings américains. Rassurée par un premier article bien documenté sur Matrix 4, je m’inscris à leur newsletter. Le CTRL+F5 des semaines passées se transforme alors en un check régulier de ma boite mails.
3 mois plus tard, après une bonne cinquantaine de newsletters pour divers films, j’en reçois une contenant l’appel aux figurants pour Matrix 4… dans mes spams !
(Ma boîte mail a voulu jeter mon rêve à la poubelle !!!)
Et là, énorme surprise. Contrairement à toutes les autres newsletters qui incitent à trouver un agent, celle-ci fournit le précieux sésame à ses lecteurs : une adresse e-mail permettant de proposer sa candidature pour intégrer l’équipe de figurants ! J’y envoie, de nouveau pleine d’espoir, ma bouteille à la mer : accepteraient-ils sur leur tournage de San Francisco, une madame-tout-le-monde venue de nulle part ?
Pas de réponse.
Et c’est lorsque les images du shooting commencent à fuiter sur internet que l’évidence me frappe : la fête a déjà commencé et on ne viendra pas me chercher. L’équipe du film tourne dans les rues de San Franscisco, sous le regard des passants : qui le veut peut donc observer la scène. Selon les rumeurs, il reste deux semaines de tournage. Nous sommes le lundi 17 février. Ma lead accepte in-extremis mes congés pour la semaine suivante. Sous les encouragements de mes proches et collègues, j’irai sur place pour tenter ma chance !
“IL Y A UNE DIFFERENCE ENTRE CONNAITRE LE CHEMIN ET ARPENTER LE CHEMIN.”
– Morpheus, Matrix.
Autant le dire : je ne suis pas Cresus. Je casse donc ma tirelire pour passer 7 jours à San Francisco avec le doute de ne peut-être jamais réussir à trouver le lieu du tournage. (Mais au fond, on le sait très bien quand, en dépit de tout élément rationnel, on va y arriver.) Heureusement, San Francisco est vraiment la ville que l’on vous vend sur les brochures de voyage : elle rassemble quantité de lieux mythiques et d’univers variés dans un décor des plus charmants ! Je fais donc ce qui, après réflexion, est un tantinet “too much” : je visite la ville de jour et je recherche assidûment le shooting la nuit. Je dors peu et pourtant, ma force et mon tonus sont dotés d’une puissances que je ne leur prêtais plus ! Evidemment ! Quoi de plus revigorant que d’être autant en alignement avec soi-même ? Je sens frétiller, entre mes doigts, cet ”instant présent” qui nous échappe tellement souvent !
Quand tu trouves ton lapin blanc…
… suis le ! Ne lâche pas ce fil vers tes souhaits les plus forts. N’écoutes pas les voix saboteuses qui vont te lister 36000 fausses contraintes. Les vraies contraintes, tu en auras deux ou trois seulement. Et tu peux les contourner ! Surtout si tu en parles autour de toi car même parmi une foule d’illustres inconnus, tu trouveras des maîtres des clés capables de t’ouvrir des portes.
Aussi, après 3 jours d’investigations acharnées sur place, je trouve enfin le shooting de Matrix 4 ! En sillonnant ardemment les rues du Financial District certes, mais aussi et surtout grâce au réceptionniste d’un hôtel sensible à ma quête (et qui me transmet le plan des rues prochainement barrées pour cause de tournage !) et à des agents de quartiers et policiers bienveillants, tous prêts à me renseigner. Ces acteurs de la réalité ont plus que contribué à la réalisation de mon rêve !
Grâce à eux, le jeudi 27 février 2020 à 5 PM je suis dans les rues où l’installation du tournage commence. Les camions estampillés Hollywood sont là. Il n’y a plus de doute ! Je discute avec les artificiers, j’observe les agents de police prendre leurs directives. Plusieurs jeunes reçoivent des gilets de couleur. Je les croiserai souvent car ils sont chargés de la sécurité et font respecter les consignes aux fans curieux : on reste derrière la barricade, loin du danger, hors champ, et on ne filme pas…
A la nuit tombée, le tournage commence. A la tête des équipes, une femme rayonnante donne ses consignes avec un pep’s qui suffit à lui seul pour savoir que Matrix 4 est entre de bonnes mains : c’est Lana Wachowski ! De très loin, je fais quelques cliché flous ; improbables photos de vacances. J’assiste à des scènes d’action détonantes. J’apprécie de découvrir les rouages des nouvelles cascades de la saga. A chaque seconde, j’apprends des choses sur l’univers du cinéma, le vrai. Je vois Keanu Reeves dont le professionnalisme et le charisme m’atteignent même à 200 mètres de distance ! L’équipe est là, le matériel déployé est impressionnant. L’esthétisme de chaque scène est pensé et préparé à l’aide d’astuces qui, je l’espère, auront leur place dans un making off ! Vous l’aurez compris : j’assiste à un moment énorme ! Le quartier vit au rythme de cette super production Hollywoodienne et s’émoustille d’à quel point le faux de certains effets spéciaux doit s’appuyer sur une si grande part de réel. Les deux notions s’inversent à travers la pupille de la caméra, seule gardienne de la réalité que Lana souhaite nous divulguer dans ce nouvel épisode.
Le tournage dure de 7PM à 5AM dans un temps sec et froid qui en décourage certains. Je reste jusqu’au bout. Au petit matin, je crois assister à la préparation d’une autre scène. Mais c’est en réalité le départ des équipes qui vient d’être orchestré avec une rapidité qui m’a prise de cours ! Quand les barricades sont retirées, il ne reste plus rien du spectacle et des équipes. Je rentre.
Après 4 heures de sommeil, je pars visiter le Golden Gate. Je mange ensuite dans un Diner puis je découvre l’Audium le temps d’un concert. (Encore une expérience qui sort de l’ordinaire !). Je retourne, enfin, sur les lieux du tournage. Il a déjà repris ! Et si la veille j’avais un peu tenté d’entrer en contact avec Lana (en vain), cette fois-ci je redouble d’effort et je demande de l’aide à de très nombreuses personnes. Quitte à passer pour une weirdos, je dois donner toutes ses chances à cet instant qui n’a pas encore eu lieu mais qui existe déjà, j’en suis certaine.
Comme un goût de pilule rouge
Enfin, une personne m’accorde sa confiance ! Le samedi, à 7AM, c’est un jeune en charge de la sécurité qui me donne ma dernière chance. Les barricades sont encore présentes et nous discutons derrière. Mais il entend dans son oreillette que le tournage vient tout juste de prendre fin. Il me permet exceptionnellement de passer alors que l’équipe est potentiellement encore présente sur les lieux !
Je me lance.
Comme dans un rêve au décor brouillé, j’emprunte la rue qui était, il y a quelques minutes à peine, plongée dans la Matrice. Je marche trop vite pour que mes yeux se délectent de ce qu’il y a à voir. Je joue le rôle de la piétonne qui rentre chez elle. En une poignée de secondes je me retrouve, par un merveilleux hasard (encouragé par mes incessante invocations mentales), à 2 mètres de Lana. Elle discute avec des membres de son équipe. Je m’arrête et me fais toute petite, je ne regarde personne pour ne pas qu’on me voit. (Si si, ça marche !).
Sa discussion terminée, Lana se déplace dans ma direction ! Alors, je lui fais signe. Elle m’accorde la minute que je lui demande, celle pour laquelle j’ai fait plus de 8000 km. Je lui fais part de mes tentatives depuis septembre 2019. Je lui dis à quel point je suis fan de ses œuvres depuis que j’ai 10 ans, à quel point je rêvais de ce moment. Après une accolade et un selfie emplis d’émotions, je lui demande, incrédule, si je peux rejoindre les figurants. La réponse tant espérée triomphe des derniers neurones qu’il me reste : Lana me dit “oui” et me donne rendez-vous le soir-même à 7PM pour le tournage ! Dans la foulée, elle me présente Xander, Mégane et Mo qui s’occupent du casting et de tant d’autres choses. Merci d’avoir accueilli avec autant de classe ce petit coeur fragile de fan !!
Ivre de bonheur, je quitte les lieux sans même faire attention à la direction que je prends. Puis je finis par héler un taxi pour rentrer jusqu’à mon hôtel. Mais impossible de dormir ! Je suis en pleine euphorie (à laquelle je me reconnecte encore aisément aujourd’hui). Je vais jouer dans Matrix, je suis acceptée l’espace d’une nuit dans cette famille que j’admire depuis autant d’années. Ma réalité prend les teintes finales de Matrix Revolutions : un enfant l’a redessinée avec tout l’espoir du monde.
Lana me dit “oui” et me donne rendez-vous le soir-même à 7PM pour le tournage !
Arrive enfin l’heure du rendez-vous. Je rejoins la salle où les figurants se préparent. J’y rencontre Eric qui, avec d’autres coéquipiers, entraîne et encourage les équipes pour fournir le résultat souhaité à l’image. Il m’aide à vivre cet instant à fond en réduisant au maximum la barrière de la langue. Comme bien d’autres, il est la patience incarnée. Je discute évidemment avec quelques figurants. Il y a ce monsieur, habitué à l’exercice et qui me délivre quelques astuces pour les castings. Cette demoiselle énergique, qui collecte les adresses de tout le monde pour garder contact et qui tente de décrocher quelques photos. Cet artiste touche-à-tout, qui a cependant du mal à arrondir ses fins de mois entre shootings et peintures. Je repense enfin au jeune agent de sécurité qui lui aussi, m’a fait part de ses rêves.
Curieuse de ce nouveau monde, je commence une nouvelle conversation. Mais soudain le tournage de la scène nécessitant les figurants est annoncé et chacun est plus ou moins placé. On se perd de vue, on se retrouvera plus tard. Les indications que l’on reçoit sont un peu vagues, pour éviter que la surprise ne soit gâchée. La sécurité de chacun, dans ce décor technique, reste primordiale et fait l’objet de plusieurs rappels. Et Action ! Je donne tout ce que j’ai. Même si je serai une ombre ou une silhouette à peine visible sur le rendu final, je veux faire de mon mieux pour Lana et pour son projet qui m’anime depuis mes 10 ans. Je veux être à la hauteur de cette confiance qu’elle m’a accordée. Mais j’apprends, je débute, je fais malheureusement quelques erreurs. Ce n’était pas prévu dans mon rêve, alors ça me fait mal. Tant pi, je rebondis vite (comme Néo sur l’asphalte). Les prises s’enchaînent et je veux continuer à tout donner. Evidemment, j’essaie d’apercevoir les acteurs. Je crois reconnaître un personnage mais j’ai de forts doutes. La distance, le mouvement, les projecteurs en pleine nuit, les conversations en anglais et dont je ne capte que quelques bribes…tout s’accorde pour donner un aspect irréel à ce que je vis pourtant en chair et en os.
Et alors que la nuit de shooting s’achève je me prends, sans l’avoir vu venir, l’effet Cendrillon : Lana est partie sans que je ne puisse la remercier !!! Le cerveau essoufflé par ce que je viens de vivre et manquant cruellement de sommeil, je lui griffonne un mot dans un anglais douteux sur une carte postale que je transmets à Megane, avant d’être mise dans le taxi du retour. Un peu comme pour les 3 premiers volets, il faudra impérativement que je revois Matrix 4 pour comprendre.
“ON NE VOIT PAS PLUS LOIN QUE LES CHOIX QUE L’ON NE PEUT PAS COMPRENDRE.”
– L’Oracle, Matrix.
The end ?
L’avion programmé à l’aveugle il y a deux semaines décolle dans quelques heures. La fatigue extrême m’empêche de trouver une alternative à ce point final impromptu. C’est comme happée inéluctablement par ma vie d’avant que je quitte San Francisco, qui se prépare pourtant pour un ultime soir de tournage.
Se réveiller brutalement d’un beau rêve laisse un cocktail d’émotions parfois difficile à métaboliser. On voudrait se rendormir pour obtenir la suite de l’histoire, au bon vouloir de notre cerveau. Vivre ses rêves est différent car même si l’histoire vécue dépend des autres et de leur réalité, nous pouvons au moins contrôler sa longueur. (Et certaines péripéties !)
Le scénario du retour en avion, censé conclure mon voyage au cœur de la Matrice (ou plutôt de Zion et de ma réalité) me semble brouillon. Vous imaginez le mot “fin” écrit à la buée sur le hublot de l’airbus qui me ramène à mon point de départ, loin de cette aventure humaine ?! Un retour à la normale qui ferait de ce moment une parenthèse déjà fermée ? Je ne peux m’y résoudre. Je continue donc à espérer : que la situation sanitaire mondiale s’améliore, que l’équipe fasse d’autres tournages en plein air, que je puisse un jour les retrouver. Mais aussi, en parallèle à cela, je commence les démarches pour devenir actrice.
Certains d’entre vous penseront peut-être ce qui m’a aussi effleuré l’esprit : j’en demande trop. Je dois me contenter de la chance inouïe que j’ai eue à San Francisco et comprendre que ça s’arrête là. Jamais je n’aurai cet alignement des planètes une seconde fois. Mais ferais-je honneur aux enseignements des soeurs Wachowski en obéissant à cette règle de la chance unique ? Ne dois-je pas essayer de prouver qu’on a le droit à autant de chances qu’on veut bien s’en accorder ? Dans tous les cas, j’ai une certitude : je ne peux me défiler de votre regard. Si vous pensez qu’en insistant je vais passer pour une weirdos, c’est ce qu’il se passera. Mais si vous croyez en mon rêve ; si mes mots, ma démarche allument en vous une flamme, c’est que tout reste possible ! C’est que l’idée d’une seconde chance n’est plus dépendante de la logique. Voilà ce que demande la réalisation d’un rêve ou d’une idée : nous devons parfois faire fi du rationnel !
Et ce passage du “je” au “nous” n’est pas anodin. C’est, je crois, une des clés de l’oeuvre des Wachowski : réparer son égo pour ensuite pouvoir l’effacer sainement, au profit du collectif. Les exemples ne manquent pas. Néo, l’élu, apprend certes à maîtriser ses pouvoirs (et fait donc une progression personnelle). Mais c’est lorsqu’il se retire de l’équation qu’il sauve l’Humanité. Le film Jupiter Ascending prend le contre-pied du rêve américain : l’héroïne qui sauve la Terre et qui est de sang royal retourne, sourire aux lèvres, au cœur de la société humaine. Le pouvoir surnaturel qui fait l’intrigue de Sense 8 ? C’est le partage immédiat des compétences et des informations entre les protagonistes… soit l’entraide poussée à son paroxysme. Dans V pour Vendetta, le peuple renverse l’état en se rassemblant, chacun arborant le masque impersonnel de Guy Fawkes. Ecoutons aussi Sonmi, de Cloud Atlas. Ou, de façon plus abstraite : notons que dans Matrix Revolutions, les machines du monde réel ont une voix uniquement lorsqu’elles s’assemblent par millier pour former un visage humain.
“DE LA MATRICE A LA TOMBE, LES HOMMES SONT LIES LES UNS AUX AUTRES. PASSE ET PRESENT. ET PAR CHAQUE CRIME ET CHAQUE BONNE ACTION NOUS FORMONS NOTRE AVENIR.”
– Sonmi-451, Cloud Atlas.
On le met en ébullition ce ravioli ?
En conclusion, ce n’est donc pas “moi” qui ait été figurante dans Matrix 4 mais c’est l’idée que j’ai amenée de simplement oser tenter cela. Ce n’est pas Lana seule qui a accepté que cela se fasse. C’est toutes ces personnes que j’ai croisées, qui ont cru en mon rêve et qui ont décidé de le porter comme elles le pouvaient. Ensemble, nous avons ajouté un morceau de réalité imprévu et humain dans la fiction. Espérons qu’il lui servira !
Faisons donc à présent tomber le châpo de cet article ! Le développement personnel qui envahit la médiasphère actuelle n’est pas héritier de l’oeuvre des Wachowski. Soigner l’égo est uniquement la première étape du chemin et il ne faut surtout pas s’y perdre. Bien sûr qu’il faut être en accord avec soi-même (se trouver, s’améliorer). Bien sûr qu’il faut avoir la forme (physique et énergétique). Mais le plus important reste ce que nous faisons de tout cela ensuite.
En matière de suite, on se demande évidemment ce que Matrix 4 viendra nous proposer. Les concepts de la trilogie seront-ils approfondis pour faire une piqûre de rappel aux fans de la première heure et initier, en même temps, un public néophyte ? Ou aurons nous accès à un discours inédit sur le monde qui nous entoure ? Le casting phénoménal qui s’annonce (et qui reprend d’ailleurs plusieurs acteurs de Sense 8) viendra-t-il servir une histoire en one-shot ? Ou sommes-nous partis pour une nouvelle trilogie ? Et visuellement, Matrix 4 dépassera-t-il les limites techniques actuelles ? (Est-ce qu’il est encore possible d’aller plus loin ?!) Ou au contraire, devons-nous nous préparer à une vision plus réaliste du monde ?
Il est vrai que le premier volet avait été filmé de sorte à rendre la ville de Sydney totalement méconnaissable. Qu’en est-il du choix de San Francisco ? Quelle sera la part de réel dans les images, qu’on imagine déjà bien léchées, du prochain Matrix ? Peut-être que nous ne parviendrons tout bonnement plus à distinguer le réel de la Matrice (et là on repense à la théorie de Jean Baudrillard, relancée récemment par Elon Musk, patron de Tesla).
En fin de compte, on a beau se repasser les dernières répliques de l’oracle et de Sati à la fin de Revolutions, aucune hypothèse ne s’impose.
Une certitude demeure : avec une distribution monumentale, Lana Wachowski à la barre, les réactions très enthousiastes de Keanu Reeves et Chad Stahelski, mais aussi ce que j’ai pu entrevoir, tout indique que ce quatrième volet fera honneur à la saga et à ses fans !
Il faudra cependant se montrer patient puisque la crise du Covid 19 a contraint la Warner à reporter la sortie du film à avril 2022 !
Bon courage et encore merci à l’équipe qui, peut-être, lit ces lignes avec nous. A présent qu’elle est dématérialisée, j’ose enfin croire que cette histoire fut réelle !