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Si les samouraïs sont un peu passés de mode, après la vague manga des années quatre-vingt dix, certains s'accrochent encore à leur Bushido de poche pour revisiter un Japon médiéval réel ou fantasmé, plus ou moins inspiré. Et c'est grâce à leur persévérance que le Fantôme de Tsushima se révèle aujourd'hui à nous, revenu d'entre les morts.

Être ou ne pas être un démon

Une intrigue minimaliste

L’originalité de The Ghost of Tsushima ne réside pas vraiment dans son histoire, assez rabattue jusqu’au récent Assassin’s Creed Valhalla (vie tranquille/attaque du village/enlèvement-meurtre du père du héros laissé pour mort/vengeance/fin). Le jeu de Sucker Punch explore en effet un univers finalement assez peu exploité en jeu vidéo : l’époque féodale japonaise et son genre associé, le « chambara » (mis à part quelques jeux de combat ou d’infiltration comme Samouraï Shodown, Bushido Blade ou Tenchu). Dans un esprit très cinématographique, ce fil rouge est ponctué, tout au cours du jeu, de superbes cinématiques relatant l’enfance du héros. Ce parti-pris a le mérite de lui donner un peu plus de consistance, mais a tendance à briser l’immersion en coupant l’action avec des flash-backs aux airs de déjà-vu.

L’intérêt de cette intrigue tient en fait davantage aux dilemmes moraux du personnage, qui doit renoncer à son code d’honneur pour accomplir sa vengeance. Cette thématique assez courante du film de samouraï, présente par exemple dans Baby Cart, ne constitue malheureusement pas un choix de jeu influençant le déroulement de l’histoire. Le joueur y est contraint pour mener à bien sa mission, et ne vous attendez pas à moduler complètement l’intrigue en fonction de vos choix comme dans Cyberpunk 2077. Par exemple, il est assez frustrant de voir le personnage épargner un imposteur et le laisser partir, sans même que le jeu n’ait demandé son avis au joueur ! Cependant, nous verrons par la suite que plusieurs approches de gameplay lui sont toutefois offertes.

C'est beau

La technique du coup bas

Deux mots sur la technique (pour ceux du fond, le titre fait référence au studio, “Sucker Punch”). Si l’intrigue ne casse pas des briques, les graphismes sont en revanche une véritable claque. Entièrement au service de l’atmosphère, ils s’inscrivent totalement dans les codes du genre, entre plaines d’herbes hautes battues par le vent et cerisiers en fleur. Du niveau de détail aux effets de lumière… Sans même jouer sur PS4 Pro ou sur l’upgrade PS5, le jeu est visuellement ébouriffant. Une prouesse d’autant plus honorable que le jeu est un open world, mais nous y reviendrons.

Des effets de lumière encore plus bluffant sur PS5

Et le gameplay dans tout ça ?

Comme précédemment évoqué, TGOT est un RPG light où la personnalisation de l’intrigue n’est pas aussi poussée que dans un Cyberpunk 2077. A la façon des derniers Assassin’s Creed, le jeu vous permet d’évoluer dans un monde ouvert en choisissant l’ordre de vos quêtes et sous-quêtes. Pour cela, une rafale de vent (concept génial) vous guide à l’écran, en vous épargnant le recours à une carte (toutefois disponible), afin de vous orienter vers la mission suivie. Au sein des camps, une luciole vous mènera quant à elle vers les objets à récupérer. Comme dans tout RPG, l’idée d’exploration et de progression est donc bien là, entre gain de capacités et acquisition d’un meilleur matériel. La différence tient dans cette volonté de miser sur une interface intuitive, destinée à fluidifier la narration. Du coup, on comprend d’autant moins la présence envahissante des cinématiques qui viennent régulièrement briser le flux de l’histoire.

En pratique, TGOT reste surtout un jeu d’infiltration, où suivre le code d’honneur du samouraï (vous pouvez provoquer en duel vos adversaires) est souvent plus risqué que de les assassiner sournoisement. Les combats, parlons-en, sont d’ailleurs assez fidèles à l’esprit samouraï : très techniques, ils permettent d’occire en un seul coup, mais aussi bien de galérer pendant cinq minutes contre les parades de l’adversaire. Une fois repéré vous êtes souvent submergé par des assaillants en surnombre, armés de lances à longue portée et protégés par des boucliers, alors que des archers vous prennent pour cible. Il s’agit donc de ne pas faire n’importe quoi.

Notons que la gestion automatique de la caméra est parfois hasardeuse, et peut vous placer en situation délicate… Heureusement, il est toujours possible de reprendre la main pour mieux apprécier la position de l’ennemi devenu invisible. En cas de face à face, les “un contre un” se concluent par de superbes ralentis ponctués de gerbes de sang, parfois illustrés par d’énormes idéogrammes qui s’affichent sur l’écran, en reproduisant ainsi l’esthétique très solennelle du chambara. Précisons enfin qu’il est possible d’être accompagné par des partenaires, recrutés pendant l’aventure. Il s’agit d’ailleurs de l’objectif de la première phase du jeu : mobiliser les survivants de l’assaut mongol pour organiser une révolte.

Chaque victoire vous permettra de gagner en réputation et de faire évoluer votre personnage en fonction des techniques apprises (qu’il est déjà censé connaître, mais passons), grâce à un panel de coups et parades très poussé. Votre approche des combats orientera l’évolution des capacités du héros, selon la noblesse ou la sournoiserie employée. Suivrez-vous la noble voie du brave ou celle du démon vengeur ? Le choix vous appartient.

"It's the wind of change !" (Scorpion)

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Vous l’aurez compris TGOT emprunte beaucoup à ses modèles Assassin’s Creed et The Witcher III (le mode de perception augmenté de l’environnement, les enquêtes et les pistages, les changements météo, les déplacements à cheval…) mais il le fait bien, qui plus est dans un contexte original. L’ensemble est toutefois trop sage et on aurait apprécié un peu plus de folie, à la manière d’un Ninja Scroll ou d’un Baby Cart. Certes, la violence est présente, et quelques notes fantastiques ponctuent l’aventure, mais on s’ennuie parfois un peu devant l’aspect contemplatif de l’ensemble. Heureusement, la richesse de l’univers proposé et le soin apporté aux combats, toujours plus fins et techniques, donne envie d’aller toujours plus loin, ce d’autant plus que le studio continue à faire vivre le jeu à travers un director’s cut et des DLC.

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Auteur pour plusieurs gammes de jeux de rôle (Wasteland, les Ombres d'Esteren) et Scénariste/Rédacteur pour Jeux de Rôle Magazine.

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