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Geek Magazine était partenaire de la vingt-quatrième édition de l’Étrange Festival qui a eu lieu du 5 au 16 septembre au Forum des images à Paris. Ce festival – qui mérite bien son nom – se donne pour mission de révéler chaque année au public les films les plus étranges et les plus insolites, trop souvent condamnés à rester confidentiels car hors des circuits de distribution classiques. Ce n’est pas pour rien que les créateurs du Festival le qualifient d’ « UNESCO des marges ». C’est notamment grâce à l’Étrange Festival que le public français a pu découvrir des films comme le claustro-phobique Buried de Rodrigo Cortès, ou plus récemment le délirant The Voices de Marjane Satrapi.

Pour cette vingt-quatrième édition, la programmation de la compétition internationale était encore une fois des plus éclectiques : films asiatiques, sud-américains, sud-coréens, tunisiens, thrillers, drames, comédies horrifiques, films d’espionnage… et d’autres, inclassables.

Cette année, la compétition a été dominée par un film d’espionnage venu de Corée du Sud : The Spy gone North de Yoon Jong-Bin qui réalise un doublé, raflant le prix du public ainsi que le Grand Prix.

Le Grand Prix étant attribué en partenariat avec Canal+, sachez que nous aurons la chance de découvrir ce film sur les écrans français, puisqu’il sera racheté par la chaîne pour une diffusion à l’antenne.

Deux autres films ont aussi fait sensation. Il s’agit d’Amalia de Omar Rodríguez-López, ancien guitariste du groupe Mars Volta qui, dans une esthétique très soignée met en scène la descente vers la folie d’une jeune veuve vénéneuse. Citons également le très attendu Mandy, un revenge movie signé Panos Cosmatos avec Nicolas Cage dans le rôle principal.

Résumons donc : The Spy gone North, Amalia et Mandy.

Si ce n’est pas déjà le cas, préparez vous à entendre très prochainement parler de ces films.

Et ça tombe bien, car il n’en sera absolument plus question dans cet article!

Je souhaite ici vous faire découvrir trois films qui m’ont particulièrement marquée. Dont au moins deux que vous ne verrez peut-être jamais, d’ailleurs. La faute à une distribution qui s’annonce au mieux hasardeuse, au pire inexistante.

Alors accrochez vous à votre siège, je vous emmène aux confins de l’étrange, sous les stroboscopes épileptiques d’une piste de danse où un drame s’apprête à se jouer, dans une Pologne dystopique aux relents communistes, et enfin, dans un village reculé de Tunisie peuplé d’autochtones aux intentions tout sauf bienveillantes.

Climax de Gaspard Noé : celui qui fait mal

Pour commencer, il me semble bon de préciser que, s’il y a un réalisateur qui a sa place dans un événement comme l’Étrange Festival, c’est bien Gaspard Noé. Mais si ! Vous savez, Gaspard Noé, ce réalisateur « des marges » qui nous a outré en 2002 avec son irrévérencieux Irréversible pour mieux nous embarquer en 2010 dans son vertigineux Enter the Void.

Ici, il s’attaque au film de danse. Mais attention, rien à voir avec les Sexy Dance 3 et autres Street Dance 12. Non, point de rédemption artistique sur fond de love story mielleuse et téléphonée. Le film raconte l’histoire d’une troupe de danse qui s’offre une petite fête de fin de résidence artistique dans un chalet isolé après des jours de travail acharné. La sauterie qui s’annonçait bon enfant va rapidement tourner au cauchemar après qu’un des fêtards a versé un psychotrope dans la sangria.

On ne peut que saluer la maîtrise du réalisateur qui ballotte le spectateur comme une poupée désarticulée d’un bout à l’autre du film, entre plans séquence stupéfiants et scènes de gore proches du slasher. Les acteurs, pour la plupart danseurs de formation, ne sont pas en reste et livrent une performance bluffante bien que parfois inégale.

Malgré ce que le titre du film pourrait porter à croire, si « Climax » il y a, c’est le point de rupture et non pas le point G du spectateur que Gaspard Noé cherche à toucher du doigt dans ce film si éprouvant qu’il en deviendra presque jouissif pour les plus masochistes ! Une véritable expérience sensorielle qui vous laissera désorientés et pantelants, comme après un climax !

Le film a été présenté en première mondiale à Cannes durant la quinzaine des réalisateurs où il a été applaudi. Il a été diffusé à l’Étrange Festival dans la catégorie « Mondovision » qui entend offrir un panorama mondial de ce qui s’est fait le mieux dans l’année en termes de cinéma de genre ou estampillé « étrange ». Le film est sorti en salles le 19 septembre et vous pouvez dés à présent foncer le découvrir car Gaspard Noé bénéficie aujourd’hui d’une aura importante dans le paysage cinématographique français dont il est parfois considéré – à tort ou à raison – comme « l’enfant terrible ».

The man with the magic box : celui qui déroute

Déjà comparé à 1984, Brazil, ou encore Blade Runner : The Man with the magic box, le dernier film du réalisateur polonais Bodo Kox, est une dystopie singulière au scénario sinueux, et dont les multiples références témoignent de la cinéphilie forcenée de son réalisateur.

Prenant place dans la Varsovie de 2030, le film raconte l’histoire ou plutôt les errances de Adam, qui se retrouve projeté dans le futur suite à des expérimentations sur le voyage temporel. Il y fait la connaissance de Goria, jeune femme froide et mystérieuse travaillant pour une obscure firme capitaliste, véritable machine à broyer les hommes. Les deux personnages vont se rapprocher, combattant l’aliénation qui les guette dans cette société déshumanisée.

On retrouve dans ce film certaines des thématiques phares de la Science-fiction, et tout particulièrement la question de l’authenticité des rapports humains au sein d’une société sous surveillance constante.

Porté par une esthétique très soignée et une photographie impeccable, The Man with the magic box se démarque par l’atmosphère qu’il arrive à installer, au fond plus importante que son scénario que d’aucun trouveront sans doute trop tortueux. Mon conseil : lâchez prise, et acceptez de vous laisser mener par la sombre poésie qui se dégage de ce film car c’est elle qui constitue sa plus brillante réussite.

Clôturant cette année l’Étrange Festival, The Man with the magic box a été présenté au Festival du film Polonais, ainsi qu’au Festival du Film de Science-Fiction de Trieste en Italie. Il a également concouru au FanTasia Film Festival, le plus important festival de films de genre en Amérique du Nord ainsi qu’aux Utopiales, le festival du film de science-fiction organisé à Nantes. Aucune date de sortie en France n’a pour l’instant été annoncée.

Dachra : celui qui surprend

Un vent de fraîcheur souffle sur le cinéma tunisien.

Après l’organisation d’un premier festival du film d’horreur en septembre 2017 à Tunis, Dachra est le tout premier film du genre à voir le jour en Tunisie. Et au vu de ce résultat, on ne peut qu’espérer que ce mouvement fera des émules. 

Le film est réalisé par Abdelhamid Bouchnak pour un budget si dérisoire qu’on ne peut s’empêcher de se demander si derrière chaque « shaky cam » ne se cache pas une tentative de camoufler ce manque de moyens qui pèse sur les effets spéciaux.

Lors de son discours précédant la projection, ce dernier nous a confié que c’est grâce à un appel à l’aide lancé sur les réseaux sociaux qu’il a pu mener à bien ce projet. La vague de solidarité qui a suivi lui permettant d’engranger les fonds nécessaires, mais aussi de  réunir autour de lui une équipe parfois prête à travailler bénévolement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces derniers ont eu bien raison de croire en lui.

On suit les aventures de Yasmine, étudiante, en journalisme, qui, avec l’aide de deux camarades et amis va réaliser un reportage sur un fait divers survenu une vingtaine d’années auparavant. Leurs investigations vont les mener des cellules d’un sordide hôpital psychiatrique jusqu’à un coin perdu en pleine campagne – « Dachra » signifiant littéralement « hameau » en tunisien – où ils vont faire la rencontre de locaux pour le moins inquiétants.

Abdelhamid Bouchnak s’inspire ici de légendes urbaines tournant autour de la sorcellerie et de sacrifices rituels qui selon ses dires sont encore bien ancrées dans la culture populaire tunisienne. Cette dimension réaliste renforce l’impression de malaise créée par le film. Car ce film est effrayant ! Dosant avec mesure les passages surnaturels et les scènes inspirées des slashers, la réalisation est efficace et se permet quelques pauses contemplatives du plus bel effet. Le scénario est extrêmement prenant, happant le spectateur jusqu’à un twist final jouissif où les pièces du puzzle scénaristique s’emboîtent à la perfection.

Mais le véritable point fort du film, c’est l’écriture de ses personnages. Dans un paysage cinématographique peuplé de personnages fonctions aussi insipides que totalement prévisibles, les héros de Dachra sont d’une rare authenticité et je soupçonne le réalisateur d’avoir laissé ses acteurs improviser certains dialogues, rendant leurs interactions à l’écran plus vraies que nature. Le résultat est là, et on s’identifie dès les premières minutes à ces trois apprentis journalistes rendant le film bien plus immersif que si le réalisateur avait cédé à la facilité d’une réalisation en found footage.

Dachra a été présenté à la Mostra de Venise, avant sa participation à la compétition internationale de l’Étrange Festival. Il est parti pour une tournée des festivals en Tunisie et au Liban où il sera respectivement présenté en Novembre au Journées cinématographiques de Carthage, ainsi qu’au Maskoon Fantastic film festival à Beyrouth. Qu’en est-il d’une éventuelle sortie sur nos écrans français ?

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Culture, Cinéma, Sorties, Littérature...

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