Sur GeekTribes et dans Geek Magazine, on a plusieurs fois tenté de dresser le portrait du geek, évoluant au fil du temps. Pourtant, c’est sans doute le dernier film d’Albert Dupontel qui en propose la vision la plus juste actuellement.
La figure du geek
Depuis les années 1980 et l’invasion des ordinateurs, nos vies se sont peu à peu réduites à des séries de chiffres dans des machines. Certains, comme Jean-Baptiste Cuchas (personnage joué par Albert Dupontel) ont dédié leur vie à la compréhension de ces systèmes nouveaux, ouvrant la porte à des possibilités extraordinaires si tant est qu’on les utilise bien. Seulement le système administratif ne s’inquiète guère de cela. Il ne s’émeut pas plus du sort d’un informaticien en fin de carrière qui aura tout donné pour perfectionner le système, que de celui d’une femme malade qui espère, alors qu’elle est condamnée. On pourrait croire qu’un système est une machine permettant de résoudre des problèmes, mais non, un système, c’est fait pour systémer.
Au service de sa sincérité
Tous les personnages sont bouleversants de vérité, dans une mise en scène tout aussi sincère. Pourtant, l’univers d’Albert Dupontel ne manque pas d’artifices, avec son image contrastée et les mouvements de caméra audacieux que le réalisateur affectionne tant. Au contraire, le film instaure une ambiance de conte moderne, et tout en habillant la société d’un costume de fiction, Dupontel la met à nue. La dualité humains / écrans s’exprime tout au long du film par une opposition de couleurs chaudes et froides, nous faisant évoluer dans un monde souvent sombre qui fait rayonner d’autant plus les acteurs. Les effets sont simples, sans fioritures superflues, pour aller droit au but. C’est dans cette atmosphère hors du temps que le réalisateur délivre la comédie dramatique du mélo pour montrer des gens normaux dans des situations burlesques. On se prend des portes dans la gueule, on colle des tartes, on joue sur les mots (parfois sans finesse, et ça fait du bien aussi). Grâce à ce mélange propre à Dupontel, le public rit, pleure, s’interroge.
Un portrait
Parce que ces gens normaux sont victimes d’injustices qu’ils essaient de réparer tant bien que mal dans un monde où il est bien difficile de se relever quand on est à terre. Parce qu’on n’est qu’un numéro dans un dossier, parce qu’on est un oublié dans un placard, parce que la maladie nous a volé notre mémoire, parce qu’on est un élément dispensable de la société. Pourtant, on voit bien que si on l’utilise correctement, la technologie est loin d’être un ennemi, et qu’au contraire, elle peut accomplir des miracles quand on n’oublie pas de la manier avec humanité. Les nouvelles générations ne sont pas perdues, et si ceux qui ont été brisés risquent de ne jamais pouvoir recoller les morceaux, d’autres pourraient se construire, et créer quelque chose de beau.
C’est pour tout ça qu’il faut aller voir le dernier film d’Albert Dupontel Adieu les Cons. Parce que c’est aussi léger que bouleversant, et parce que c’est aussi déconnecté de la réalité que ça n’en tire le portrait craché.