Et croyez-moi, vous n’êtes pas prêts.
Le réalisateur a mis plus de trente ans pour sortir ce film, mort-né à la fin des années 80, par manque de temps et d’argent.
Mais Phil Tippet n’abandonnera jamais son projet. De report en report, il le garde au chaud dans un tiroir, attendant le bon moment. De galère en galère, il le peaufine, s’adaptant aux évolutions des effets spéciaux, et en matière d’effets spéciaux il en connait un rayon.
En effet, Phil Tippet fut superviseur des effets spéciaux sur Star Wars IV, Robocop, Indiana Jones, Willow ou plus récemment Jurassic World.
Autant dire que le gars maitrise son sujet, donc.
Mais Hollywood est rude, les calendriers serrés et il doit laisser mûrir son film pendant trente ans ou presque.
Une campagne Kickstarter plus tard, jumelée avec une mobilisation de ses amis et ses proches, et enfin cet ovni peut être présenté au public. Et croyez-moi, ça vaut le détour.
Il présenta son œuvre en plusieurs parties, progressivement, sous forme de courts-métrages dans des festivals, pour enfin présenter le dernier acte en 2021, entièrement monté.
Une journée dans vos pires cauchemars, 1h20 de descente aux enfers.
L’histoire commence par la lente descente d’une vieille cloche de plongée, au bout d’un filin, dans des strates d’un monde ravagé, détruit, fossilisé. À l’intérieur, un homme, casque et masque à gaz rivés sur la tête, observe sans un mot, puis finit par toucher le sol et s’extirper de sa capsule corrodée.
L’homme porte une mallette et possède une carte, point. Il va entamer une exploration lugubre, une expédition dans un monde putride, dangereux et hostile.
Il va croiser des esclaves créés à la chaîne pour accomplir des tâches abjectes, mourant dans l’indifférence la plus totale, écrasés comme des insectes inutiles. Des monstres, des personnages victimes d’expériences horribles, des hommes subissant des décharges électriques crâniennes violentes, leur provoquant des prolapsus anaux pour alimenter des créatures immondes — je vous avais dit que ce n’est pas pour tout le monde — des scientifiques fous venant conclure un tableau horrifique qui ne vous laissera pas indifférent.
Mad God est une dérive dans l’antichambre de l’enfer, une version trash et malsaine d’un Paradis Perdu que nous ne voudrions pas traverser. L’homme pourrait être un Virgile vivant une Enéide inimaginable et dérangeante, sale et meurtrière.
J’ai retrouvé tour à tour du Lynch, du Cronenberg, j’ai également ressenti des sensations proches de mon exploration du jeu Inside en version beaucoup plus crade.
On peut également faire le rapprochement avec le récent — et tout aussi jouissif — Junk Head de Takahide Hori.
Des plans rendant hommage au cinéma de genre, des perspectives forcées, des champs et contrechamps parfaits. Des effets spéciaux créés à la main, le tout tourné en studio, des décors fournis et parfaits — je vous laisse chercher Robby et ED209 — il en ressort une atmosphère déroutante, une expérience à vivre intensément.
Pour conclure
Attention, Mad God n’est pas à mettre entre toutes les mains, c’est une expérience âpre, acide et glauque, un film fantastique-épouvante-horreur, un mélange des genres parfait.
Ce projet a tout pour devenir culte selon moi, ne l’est-il pas déjà d’ailleurs ?
Une prouesse technique et narrative, ce film est fou, jouissif et m’a mis une claque comme votre serviteur aime en prendre.