Dire que nous avons adoré Nendo Stories, mélange d’album photo et de guide initiatique sur la toy photography, est un euphémisme. Il fallait absolument que l’on en parle avec son auteur! Mr Tan, alias Antoine Dole (Mortelle Adèle, 4Life…) a accepté de se confier sur sa passion pour les adorables Nendoroids...
-Pourrait-on définir ton livre comme étant à la fois un bel album de photographies de ces figurines et un guide pour bien débuter la “toy photography” ?
C’est en tout cas ce que nous avions à coeur de faire avec mon éditeur ! Pas seulement proposer un beau livre qui soit un simple catalogue de photographies, mais aussi inviter le lecteur à s’emparer de cette magie en lui donnant les clés de ce monde miniature. Car c’est surtout de ça que je voulais parler à travers ce livre, de ce que la Toy Photography m’a appris : du fait que la magie est partout, et que chacun peut faire jaillir cette étincelle de vie dans son quotidien.
-Depuis quand pratiques-tu la photographie de Nendoroid et comment t’y es-tu initié ?
Je suis auteur de romans et de bandes-dessinées, et je suis souvent amené à me déplacer sur des festivals et des salons du livre. C’est vraiment un bonheur de rencontrer ses lecteurs et de partager des moments avec eux, mais ces déplacements s’accompagnent de nombreux moments de solitude, que ce soit dans les longs trajets qu’ils représentent souvent, ou à l’hôtel quand on se retrouve seul. J’ai longtemps eu du mal à apprivoiser cela, le fait d’être loin de mes proches régulièrement. Il y a sept ans, une lectrice m’a offert une figurine lors d’une dédicace, c’était une Nendoroid. Et j’ai commencé à la mettre en scène pendant mes déplacements, pour m’adresser aux gens qui me suivaient à travers les réseaux sociaux, parler de ma vie dans les hôtels, des voyages que je faisais, des rencontres. Au début ça m’occupait simplement dans les moments de creux. Puis je me suis pris au jeu de créer un véritable quotidien à ce petit personnage.
-Tu t’intéressais déjà à la photographie avant ça?
J’avais toujours aimé la photographie, mais c’est difficile de trouver ce qui résonne suffisamment en nous au point de devenir un moyen d’expression et pas juste le plaisir de faire de jolies images, et j’avais besoin de ça. J’ai découvert que la Toy Photography me permettait de créer des émotions, et petit à petit ça a pris de la place dans mon quotidien, c’est devenu une bulle où je prends plaisir à me retrouver quand les soucis s’accumulent, pour ralentir le temps et ressentir les choses différemment. Puis j’ai découvert le travail d’autres Toy photographers, comme KixKillRadio ou Captain Dangerous (qui a préfacé mon ouvrage), des gens à travers le monde entier, liés par le même désir de s’autoriser à rêver et à ressentir, et tout ce que ça dit de notre capacité intime à célébrer la vie, quelques soient nos différences et ce qui nous oppose parfois.
Avec la Toy Photography la magie est partout, et chacun peut faire jaillir cette étincelle de vie dans son quotidien.
-Peux-tu expliquer ce qu’est une Nendoroid ?
Les Nendoroid sont des figurines articulées en plastique de 9cm, peintes à la main. Elles sont fabriquées par un fabricant japonais, Good Smile Company, et le catalogue est nourri de nombreuses licences issues de l’animation japonaise et du manga, mais aussi de films américains et d’univers de la culture Geek. La plupart ont différents visages interchangeables et accessoires, et toutes sont compatibles entre elles, ce qui permet, quand on en a un certain nombre, une variété infinie de combinaisons qui permettent de mixer les visages, les jambes, les bras, les corps !
-Parle-nous un peu plus de ta collection !
J’en ai un peu plus de 300, je m’y arrête quand quelque chose en elles me parle. Ce n’est pas la licence dont elles sont tirées qui m’intéresse, car je ne les mets jamais en situation dans ce sens. Mais il faut une attitude, un vêtement, une expression, qui m’évoque une émotion. Aujourd’hui, le catalogue des Nendoroid compte plus de 1000 références, avec des personnages stars comme récemment les Nendoroids de la saga Harry Potter, la célèbre Hatsune Miku qui se décline dans de nombreux styles, ou même les héros Marvel et DC ! Il y en a vraiment pour tous les goûts !
–L’originalité de tes photos est qu’elles mettent en scène un mini-toi. Paradoxalement, elles révèlent à la fois beaucoup sur ton univers, mais finalement peu sur toi puisque tu ne légendes pas tes photos. Est-ce par pudeur, afin de ne pas trop en révéler non plus ou pour laisser aussi une part d’imaginaire au public ?
Je trouve que l’image à ce pouvoir de parler aux gens de mille façons différentes. C’est un peu comme quand on scrute les nuages, chacun y verra quelque chose qui lui ressemble ou qui trouve un écho en lui, et l’on se retrouve à parler d’un dragon quand la personne à côté voit plutôt un cornet de glace. J’aime cette idée que les choses puissent être interprétées différemment d’une personne à une autre. C’est à cet endroit de la contemplation que nait l’émotion. On vit dans une société où l’on passe beaucoup de temps à entendre ce que l’on doit ressentir, penser, comprendre des choses qui nous entourent. Alors je ne souhaitais pas légender les photos et dire aux gens dans quelle direction faire avancer leur perception et leur émotion. Il y a des gens qui se reconnaissent dans des photos qui parlent de ma vie et de moments personnels, et j’aime cette idée. Je n’ai pas besoin de leur rappeler que c’est un souvenir à moi, un endroit où j’ai été. Il y a de la place pour toutes les sensibilités, on peut tous habiter une photographie sans se marcher dessus, et c’est très bien comme ça.
-Toutes les figurines, objets et décors que l’on voit font donc partie de ta collection personnelle ? Quelle place occupe cette passion chez toi, à la fois en terme de temps et d’espace ?
Je passe beaucoup de temps à chiner, à chercher, à parcourir des boutiques de miniatures pour étoffer ma collection, et élargir l’univers que je peux explorer. J’ai la chance de beaucoup voyager grâce à mon métier, et de pouvoir ramener des petits objets d’un peu partout à travers le monde. Le Japon, bien évidemment, est un terrain de chasse particulièrement propices à ces trouvailles. Et quand je ne trouve pas ce que je recherche, je le fabrique. C’est intéressant aussi d’apporter sa vision d’un objet, d’un lieu, avec les outils et matériaux qu’on peut trouver autour de nous. J’ai appris à travailler le bois, la pâte polymère, le polystyrène, et à manier le pistolet à colle ! C’est une activité qui demande de la place, beaucoup d’organisation pour ne pas s’y perdre. Mais c’est de la passion surtout, et j’aime vivre au milieu de ces décors qui me rappellent tous ces endroits où j’ai été et les émotions qu’ils ont suscitées.
-En voyage, quelle place tes figurines occupent-elles dans ta valise ?
Quand je pars en voyage avec mes figurines, elles ont leur propre valise à présent, elles ont plus d’affaires que moi ! J’en choisis quelques unes, j’essaie de concevoir les directions que j’ai envie d’explorer en fonction de ma destination, cela me permet de sélectionner des accessoires et des éléments de décors à l’avance pour ne pas être pris au dépourvu. Dans le livre, il y a des photos qui ont été prises aux Caraïbes, à Tokyo, à Kyoto, à Montréal, à New York, à Londres, aux quatre coins de la France. C’est important pour moi, même si le lieu ne saute pas aux yeux sur la photo, parce que quand je regarde la galerie de photos du livre, je peux dire à quel endroit chaque image a été prise, et ça archive un peu de mon histoire perso et de la merveilleuse aventure que je vis depuis toutes ces années. Je continue de voyager chaque fois que je feuillette ces pages. Ce que vous verrez dans ce livre représente les trois dernières années de ma vie.
-Difficile de ne pas avoir envie de se mettre à la photo de Nendoroid après avoir lu ton livre ! As-tu des conseils quand on débute dans la photo de Nendoroid ?
Je pense qu’il faut avant tout apprendre à composer avec l’univers autour de soi. En tirer les points forts. La Toy Photography, ce n’est pas juste avoir de belles lumières et le meilleur appareil photo du marché, c’est surtout trouver en soi le moyen de transmettre une émotion si on veut que ça touche les gens au delà d’être seulement joli. Je travaille avec un matériel assez varié, qui va du boitier à LED à la lumière naturelle du dehors, et j’adore mon vieil appareil photo Canon, j’ai beaucoup de mal à en changer. Mon conseil, c’est de ne pas hésiter à tester des choses si on le peut, c’est important de trouver le matériel qui nous convient et qui nous ressemble, celui qui va provoquer quelque chose dans notre création. Ce qui convient à l’un ne conviendra pas à l’autre.
-As-tu des bons plans pour les petits budgets ?
Misez sur le marché de l’occasion japonais, avec des sites de confiance comme Mandarake ou amiami, car les figurines de seconde main sont plus accessibles et la plupart du temps en parfait état sur les sites d’occasion japonais ! Fuyez les contrefaçons qu’on trouve chez des revendeurs Amazon ou Ebay, car en cautionnant ce marché vous tournez le dos à l’incroyable travail que font des sculpteurs passionnés, minutieux et talentueux pour créer ces objets. En précommandant les figurines à l’avance sur les sites officiels, vous évitez aussi le risque de les acheter plus chères ensuite, car la côte de certaines augmente vite du fait de leur rareté !
Merci à Mr Tan et aux éditions Glénat pour cet entretien.
128 pages dos carré, édition cartonnée avec tranchefil, format à l’italienne disponible dans toutes les librairies.
Toutes les images extraites du livre sont © Mr Tan / Editions Glénat 2019