Au Japon, pays des tensions sociales à leur paroxysme, il n'est pas rare que transparaisse fréquemment en filigranes une critique acerbe vis à vis de cette situation intenable, via les mangas ou d'autres œuvres culturelles, dans une volonté exutoire et cathartique.
Dans le cas qui nous intéresse, Jagaan est un manga qui fait exploser la soupape sans vergogne aucune, sans pour autant verser dans un pamphlet anti-normes sociétales. Jagaan veut tâcher, être violent, marquer les esprits tout en s’inspirant allégrement des pontes du genre tels que Parasyte, Ajiin ou même Dans L’Intimité de Marie. Il démarre avec une histoire qui sent justement la redite, avec son personnage principal ordinaire aux pulsions de meurtres quotidiennes qui, un beau jour d’une pluie de grenouilles, devient un monstre aux pouvoirs surnaturels capable de laisser libre cours à ses désirs inavoués.
Durant quatorze tomes, on suivra donc Jagasaki, policier incapable de faire régner l’ordre jusque là, mais désormais complètement chamboulé par sa nouvelle existence de Détraqué. Face à lui, des menaces multiples risquent de l’empêcher de croiser vie normale et quotidien de héros. Mais la question qui taraude Jagasaki à ce moment précis est bel et bien la place de ses désirs dans la balance. En effet, son pouvoir nouvellement acquis lui permet désormais de se placer au dessus des Hommes, et il ne tient qu’à lui de choisir quelle forme de justice il désire mener.
Le manga trouve très vite un rythme et un style unique, bonifié par le talent de Nishida qui nous offre sur de superbes doubles cases, des compositions survoltées florissantes de détails et de vitesse. Un cocktail qui marche, malgré une baisse de régime et de qualité du trait sur les derniers tomes, trahissant sûrement d’une perte d’intérêt autant pour l’auteur, qui s’était alors mit en parallèle à Blue Lock, que pour le dessinateur sûrement épuisé.
Toujours est-il que Jagaan, ça vaut largement le détour. Car au delà d’offrir des affrontements épiques et violents, ainsi que son lot de sexe sans tabou, c’est avant tout l’histoire d’un pays en proie à leurs plus sombres désirs qui transparaît tout du long, sur fond de personnages détraqués, de boule de crottes et de métamorphoses Gantzienne.