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Le Sorceleur, ou comment la fantasy polonaise nous expose la théorie du Moindre Mal?

Alors que je cherchais une saga de fantasy contemporaine agréable à lire, au style pas trop pompeux mais avec quand même une certaine gouaille, je me rappelais alors de l’un de mes jeux vidéo préféré : The Witcher !

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir les romans, il faut bien évidémment parler des jeux vidéos , dont le premier date déjà de 2007,  développé par le désormais célèbre studio polonais CD Projekt. Pourtant, il faudra finalement attendre 2015 et la sortie de The Witcher 3 : Wild Hunt , pour voir le phénomène rayonner à l’international, et devenir un pan de la pop culture. La preuve en est aussi avec la série sortie sur Netflix en 2019 ,dont  la plate-forme avait déjà commandé une saison 2 alors que la première n’était même pas en ligne !

À présent que la tendance est désormais bien lancée, il est bon de revenir aux origines des aventures du célèbre sorceleur Geralt de Riv, et d’ainsi se demander :les romans valent ils le coup, quand on a adoré la série et les jeux vidéos ?

 

Je me lançais donc à corps perdu dans cette série de sept romans qui avait inspiré les gars de chez CD Projekt Red pour faire leur jeu dans une timeline à part, et découvrait avec plaisir un univers de fantasy sombre, riche en évènements et en personnages mémorables.

 

Car l’écrivain polonais Andrzej Sapkowski m’a, avec son univers atypique basé en majorité sur la mythologie slave, fait réaliser que la fantasy ne se cantonnait pas simplement à un mélange de merveilleux et de magie. Il m’a fait réaliser que l’on peut facilement faire flirter ce genre avec celui de l’anticipation ou même de la dystopie, en appuyant certaines thématiques sociétales actuelles dans l’œuvre pour mieux en dévoiler les failles béantes. Le genre de la Dark-Fantasy pourrait-elle donc, par extension, devenir le media idéal pour dévoiler l’obscurantisme crasseux qui habite encore certaines sphères de notre monde ?

La réponse serait un mélange de oui et de non. Ce genre ne peut pas non plus se permettre d’être une critique ou un réel avertissement sur les dangers d’une société en perdition car il est, en somme, cloisonné dans ses limites respectives. D’une sorte d’accord tacite avec nous même, le genre fantasy est souvent lié à un univers médiéval, à de la magie, à des créatures fantastiques, ou c’est en tout cas les premières images qui nous viennent. Dans le cas de la saga du Sorceleur , entamée en 1986 avec une première nouvelle, il est réellement intéressant de voir comment l’auteur développe des problèmes encore d’actualité, tel que la discrimination de certaines peuplades d’elfes ou d’autres races. 

Sapkowski délivre d’abord, durant deux tomes, une succession de courts récits sans lien aucun et aux conclusions amères, faisant office de miroir à l’univers dans lequel évolue notre personnage principal, Geralt de Riv. Si toute légende possède son origine, celle de ce fameux sorceleur commence au travers d’une série de contrats à remplir et d’histoires courtes sans lien entre elles. Dans un monde de fantasy en déclin, où les bêtes féeriques qui peuplaient la Terre disparaissent progressivement, la fonction même des sorceleurs est désormais considérée comme inutile et dépassée.

Mais très vite, une enfant de la Destinée nommée Ciri se met en travers du chemin du Sorceleur, le sortant de l’inaction dans laquelle il aurait aimé rester toute sa vie. En effet, jusqu’à maintenant, il a toujours été une vérité universelle que les sorceleurs combattent les effets, pas les causes. L’échiquier se retrouve alors avec de multiples pièces, évoluant dans de multiples temporalités et espaces, avec toujours pour fil conducteur le sort de cet enfant ainsi que l’invasion par le royaume conquérant de Nilfgaard. Ces deux fils feront office de moteurs durant toute l’épopée, évoluant à divers rythmes selon les points de vue et les impacts des événements.

Cette multiplicité des points de vue est d’ailleurs l’un des attraits majeurs de cette saga, car si elle peut facilement dérouter, elle demande une attention totale du lecteur jusqu’à la dernière page. Il est récurrent de découvrir le point de vue d’un personnage par l’intermédiaire d’autres, ou même parfois du dit protagoniste à un âge avancé ce qui, même s’il nous révèle d’avance la suite de son existence, reste souvent d’un impact mineur dans le récit et garde la saveur des plot twist. On pourrait penser que Sapkowski use de son concept parfois à trop fortes doses, mais cela offre ainsi un regard plus global sur les événements en cours, au lieu de simplement le confiner aux yeux d’un seul protagoniste.

La dimension politique prend aussi une part majeure de l’histoire, car au-delà des multiples batailles qui ponctuent le récit, il se joue un véritable théâtre de marionnettes dont les conceptrices que sont les magiciennes, manipulent les fils du destin pour les faire tourner en leur faveur. Cette implication de la magie dans les scènes royales et dans l’échiquier diplomatique est aussi l’un des éléments intéressants que développent avec beaucoup de soin l’auteur au fur et à mesure de son récit.

 

Mais pour comprendre ce qui fait le sel du Sorceleur, au-delà de trouver qu’il est un pilier du genre, il y a un point final qui mérite d’être soulevé, qu’est celui de la philosophie. En effet, elle fait partie intégrante de l’œuvre, servant souvent à cimentier les opinions de nos protagonistes pour mieux comprendre leurs desseins. La mort, l’amour et ses travers tortueux, la guerre et ses pratiques barbares, l’usage de la peur comme d’une mécanique essentielle pour conserver le pouvoir, tout cela voit une remise en question de la part des personnages.

 

Suivre l’épopée de ce sorceleur aura été un plaisir immense et intense, où chaque page tournée est un pas vers le monde étrange et sombre de Saposwki et où le merveilleux et la bonne foi n’ont pas leur place.

En espérant vous avoir donné envie de vous y jeter à corps perdu, au risque de ne jamais remonter à la surface.

Les livres avaient notamment fait peau neuve en 2019 dans une sublime édition chez Bragelonne, et sont trouvables ici !

La saga dispo ICI

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Spécialité(s) :

Littérature SFFF, Jeux Vidéos, Cinéma, Mangas,Comics, Cinéma

Amateur de littérature fantastique du XXème siècle comme de mangas cyberpunk. Photographe par passion, lecteur de comics, cinéphile en herbe et grand buveur de café.

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