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PETITS DÉTECTIVES DE MONSTRES : LE MONSTERBUSTER POUR MARMOTS

A quoi faire jouer les enfants ? C’est la question à laquelle on vous propose de répondre dans une série d’articles mettant en avant des jeux de rôle aux game-designs et à l’esthétique très différents.

Alors que le monstre est un thème récurrent de la littérature jeunesse, le thème semblait être boudé dans le milieu du jeu de rôle jusqu’à l’arrivée du jeu Petits détectives de monstres paru en 2016. Retour sur un“monstru-jeu”, à mi-chemin entre le ludique et le thérapeutique.

INTRODUCTION

Petits Détectives de Monstres est un jeu de rôle espagnol écrit par Alvaro Corcin et Patricia “Patri”de Blas, deux parents rôlistes désireux de pouvoir jouer avec leurs enfants. Selon les auteurs, c’est un jeu qui permet aux enfants de “surpasser leur peur” en les “transformant en héros”.

En effet, ce jeu traduit et édité en France par La Loutre Rôliste, est destiné aux enfants dès l’âge de trois ans. Le principe ? Incarner les membres d’une agence de détectives fondée au XIXème siècle par Conan Doyle. Il ne s’agit pas d’une agence classique puisqu’elle est spécialisée dans la chasse aux Monstres, ces créatures cachées dans les coins sombres de nos maisons et qui ne font que des bêtises. Leur passe-temps préféré ? Faire peur aux enfants.

“DÉJÀ TOUT PETIT, J’AIMAIS BIEN LES MONSTRES”

Déjà tout petit, j’aimais bien les monstres”, nous chante King Ju dans sa chanson intitulée Les Monstres, véritable ode aux “bestioles bizarres dans les cauchemars” qu’on imagine étant marmot cachées sous notre lit ou dans notre placard.

Le Monstre est-il une figure incontournable dans le développement de l’enfant ? C’est ce qu’affirme Virginie Martin-Lavaud dans la revue L’école des parents dans un chapitre consacré aux “Monstres, cauchemars et terreurs nocturnes”, “C’est vers 4 ans environ que les enfants évoquent la figure du monstre, lorsqu’ils cherchent à mettre en forme ce qui les angoisse.”

Petits Détectives de Monstre a l’intelligence d’utiliser une peur universelle enfantine et de la dédramatiser dans son traitement ludique. Avec son game-design sur mesure, ce jeu désarme une figure effrayante et équipe à la fois  l’enfant dans le jeu et dans son quotidien afin qu’il n’ait plus peur des monstres.

ACCOMPAGNER L’ENFANT

Tout d’abord en incluant l’adulte de manière habile au sein de la partie, non pas seulement comme MJ mais comme co-équipier de l’enfant, créant ainsi un véritable accompagnement lors de la confrontation avec les monstres. Il s’agit du rôle du Détective Vétéran qui va contrôler l’histoire mais aussi le niveau de Peur présent dans la maison qu’il va manifester en jeu grâce à un gadget dont il a l’exclusivité. Par cet habile positionnement de l’adulte, l’enfant n’est jamais laissé seul face à la peur et bénéficie d’un soutien émotionnel constant, le jeu n’est pas anxiogène et pose au contraire un cadre ludique bienveillant.

Le système de jeu est simple et accessible. On ne s’embarrasse pas ici de caractéristiques mais l’enfant s’engage de manière ludique grâce à la signature d’un contrat qui va servir de fiche de personnage. Sur ce contrat, on peut lire le pseudonyme de l’enfant. Avec subtilité, on va inciter l’enfant à endosser un rôle en lui faisant choisir un pseudonyme car si un monstre venait à connaître la véritable identité d’un enfant, cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses. On crée donc une distanciation entre le personnage et l’enfant afin de le protéger de l’inquiétude qu’il pourrait éprouver lors de la partie.

LE CONTRAT DU SIÈCLE

La signature d’un contrat plutôt qu’une feuille de personnage classique truffée de statistiques vides de sens pour un jeune enfant est un élément très pertinent du jeu. Le contrat est un élément concret qui permet à l’enfant de se projeter rapidement dans la fiction. Sur ce contrat, on va également trouver les gadgets dont l’enfant dispose dans le jeu afin de faire face au monstre. Le jeu veille à ce que chacun soit équipé de manière complémentaire, ce qui incite au travail d’équipe à la solidarité lors de la partie. On pourra ainsi équiper les enfants de classiques talkies-walkies et de doudous mais aussi d’objets magiques tels que la poussière de lucioles qui permet par exemple de détecter la cachette des monstres mais aussi de les étourdir !

Enfin, on retrouve un système de “points étoile” : ce sont des récompenses qu’obtiennent les enfants à la fin de chaque partie. Le nombre de ces points augmentent en fonction de la puissance du monstre vaincu et de l’ingéniosité des détectives. Ces points permettent d’acheter de nouveaux gadgets tout en créant un sentiment de progression chez l’enfant. A noter que des insignes et des médailles sont distribués aux jeunes détectives lorsqu’ils font preuve d’un bon comportement lors de la partie : le jeu s’inscrit donc également dans une démarche de renforcement du savoir-être chez l’enfant.

MÊME PAS PEUR

En dehors de ce contrat, le système de jeu est basique : la résolution des actions se fait à l’aide de trois dés à six faces dont on garde la plupart du temps le résultat moyen. Si le détective possède un gadget qui peut l’aider à réaliser une action, celui-ci peut alors garder le résultat le plus élevé. Au contraire, si le détective est effrayé, cela le pénalise et il doit conserver le jet de dé le plus mauvais.

Ce qui nous amène à aborder la question de la Peur dans la mécanique de jeu de Petits Détectives de Monstres.

La Peur à dépasser est l’objectif final du jeu, c’est une étape obligatoire pour terminer la mission. La Peur est un élément dont la puissance augmente en fonction des événements qui ont lieu au cours de la partie comme par exemple, trouver des pistes concernant le monstre ou provoquer sa colère.

Cette peur est à surmonter en additionnant les résultats moyens de chaque membre de l’équipe, traduisant ainsi le fait qu’ensemble, on est plus forts. C’est dans ce même état d’esprit que les détectives doivent affronter le Monstre et l’enfermer dans une fiole magique qui se trouve scellée grâce à la formule suivante : “Monstrounet, monstrounet, tu ne me feras plus peur”.

Cette formule est intéressante : alors que jusqu’à présent, on l’appelle le Monstre, ce-dernier se voit diminuer par le suffixe “ounet”, le rendant même sympathique.

Le jeu s’inscrit là dans une longue tradition espagnole étudiée par Cécile Iglesias dans Les figures du mal au XXème siècle. Dans un chapitre dédié au Destin poétique de quelques figures malfaisantes du folklore enfantin hispanique, cette-dernière explique très bien la manière dont certaines figures inquiétantes du folklore hispanique sont tournées au ridicule dans les comptines pour enfants. Le Monstre est ici dépossédé de manière symbolique et narrative de ses facultés terrifiantes. Le jeu s’achève donc sur une inversion du monde : ce qui faisait peur fait désormais rire.

CONCLUSION

Il y aurait encore tant de choses à dire sur ce jeu qu’on retiendra pour sa pertinence et sa compréhension de la mythologie enfantine. L’humour est extrêmement présent dans l’écriture de cet ouvrage qui traite d’une thématique pourtant inquiétante pour les enfants. Dans une mise en abyme plaisante, on y retrouve même des minis-jeux à l’intérieur du manuel, le tout mis en valeur par un travail d’illustrations soigné évoquant dans son esthétisation du monstre les dessins réalisés par des enfants.

Actuellement, La Loutre Rôliste est en campagne de financement sur ulule afin de nous offrir un nouveau jeu pour enfants avec pour thématique cette fois-ci, les pirates. Alors à l’abordage ? Retrouvez la campagne de financement participatif ICI

Rendez-vous très vite pour la suite de ce billet !

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Spécialité(s) :

JDR, Histoire, Littérature, Sociologie

Professeure en lettres et histoire, passionnée de jeux et de fromages.

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