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Habitué des planches des théâtres parisiens et des ondes radiophoniques depuis plus d’une décennie, Frédérick Sigrist assume depuis quelques années son statut de geek érudit. Après une incursion réussie dans le domaine de la web-série avec Space Game, sa création pour France Télévisions, le revoici avec un nouveau spectacle qui annonce la couleur par son simple titre : « Super-Héros ».

Geek Magazine : Radio, web-série, one-man-show…Vous êtes sur tous les fronts actuellement, vous trouvez le temps de vous reposer parfois ?

Frédérick Sigrist : Euh…Non. (Rires) La réponse est non, définitivement non ! En plus, à 44 ans, j’en suis à une période de ma vie où ma récupération n’est pas exactement la même qu’à 20 ans. Simplement, j’ai la sensation de les avoir encore, ce qui est totalement faux ! Donc j’avoue qu’il y a plusieurs moments où je pose une main sur un mur, où je souffle un petit peu en me disant « oh la vache, là quand même, je tire un peu sur la corde » …Donc non je ne dors pas assez ! (Rires) Mais comme je prends quand même beaucoup de temps pour continuer à nourrir mon imaginaire de geek, j’ai trouvé que c’était plus facile d’en faire mon boulot. Parce qu’en fait tout ça me passionne profondément. J’adore lire des bandes-dessinées, des romans de fantasy, d’aventures, etc. Même parfois sur des sujets qui ne me passionnent pas forcément ! Quand j’ai fait une émission sur Agatha Christie, parce que je savais que c’était un « blockbuster » de littérature, je connaissais vraiment mal, et au fur et à mesure, j’ai découvert des pans de la vie de cette femme, et je trouvais ça de plus en plus passionnant. Je trouve ça magique de voir des gens qui, comme elle, ont abattu des barrières simplement parce qu’ils n’ont jamais vu qu’elles existaient. A une heure où l’on est toujours en train de militer pour plus d’égalité, de reconnaissance, il y a quelques individus dans l’histoire du monde qui en fait n’ont pas attendus qu’on leur donne le droit de faire mais ont simplement fait ce qu’ils voulaient. Je trouve que c’est passionnant et particulièrement inspirant. Donc forcément il y a une grosse part de plaisir derrière tout ça et puis au final, quand je trouve quelque chose qui me remplit, je me dis « qu’est-ce que je peux en faire comme outil professionnel ? », donc ça devient une chronique, une émission, un spectacle, etc. Y a un truc qui me motive, c’est la passion de découvrir des choses et des gens intéressants !

Dans votre nouveau spectacle, vous abordez de nombreux sujets sociétaux (sexe, parentalité, religion…) au travers du prisme de votre culture geek. Vous pensez que l’on a une vision du monde différente quand on baigne dans la pop culture ?

Tout à fait. Enfin je ne sais pas si on a une vision différente, mais on a peut-être une vision qui fonctionne par allégories plus évidentes. Pendant très longtemps j’ai fait des spectacles sur l’actualité politique, je rentrais dans la catégorie des « chansonniers », et j’ai remarqué qu’on était très vite rangé dans une case : « l’humoriste de gauche », « l’humoriste de droite », « l’humoriste satirique », « l’adepte de l’humour noir », etc. Et les gens s’arrêtaient de vous écouter selon l’étiquette qu’il y avait au-dessus de votre tête. Et l’avantage avec la culture, comme elle s’introduit partout, c’est qu’on a tous une chanson fétiche, on a tous un film qui nous fait vibrer, on a tous une bande-dessinée ou un livre qui nous un peu plus parlé, et ce sont des faits éminemment politiques ! Moi ça me fait toujours rire quand je vois un réalisateur ou autre qui dit « moi j’ai fait du cinéma parce que je ne voulais pas faire de politique », alors qu’en fait les choix de mise en scène, les choix du personnage qu’on présente sont déjà des choix politiques. Et la pop-culture est complètement infusée de ça ! Dans Star Wars, l’Empire, Dark Vador, les Stormtroopers, je suis désolé, mais il y a le nazisme derrière. Dans Avatar, c’est les Indiens, les cowboys, l’idée de la colonisation… Donc en fait tout ça est très politique ! Mais simplement, parce que c’est de la pop-culture, on ne le voit pas venir, et c’est vraiment une position que je préfère. Plutôt que d’avancer le poing levé en disant « Moi je pense que ça… », je préfère regarder des choses qui sont partagées par des millions de personnes et dire « ah vous avez vu, y a ce message là aussi dans cette œuvre, c’est rigolo ! » 

Auparavant, comme vous venez de l’évoquer, vous étiez plutôt connu pour être un humoriste politique. Qu’est-ce qui a été le déclencheur pour évoluer vers ces sujets plus personnels ?

Il y a eu plein de choses. La première c’est que j’ai fait le quinquennat de Sarkozy, puis celui de Hollande, et j’avais un spectacle qui marquait les tout débuts de la présidence Macron. Et je me suis assez vite rendu compte que en trois quinquennats, j’avais effectué une sorte de révolution, un tour complet, c’était les mêmes petites phrases, les mêmes faits divers, on changeait les noms des ministres mais grosso modo, on était en train de faire une sorte de reboot de notre système politique qui continuait à faire les mêmes erreurs : privatisation, exclusion, lutte contre l’islam, boucs-émissaires, prix de l’essence qui monte et descend, lutte des petits producteurs contre la grande distribution, etc. Et je me suis dit : « est-ce que tu as vraiment envie de faire la même chose que depuis quinze mais avec des noms différents ? ». Puis j’ai participé à un festival en Martinique avec Dédo. C’était la première fois que je le rencontrais, et on est resté une semaine là-bas. Alors on a commencé à parler ensemble, et on s’est rendu qu’on avait plein de goûts en commun. Et il était très surpris parce que quand il me voyait, j’étais en costard-cravate, très chansonnier, à fond sur la dernière actu politique, et en me parlant, il découvrait un univers qu’il percevait pas du tout. Alors que c’était sans doute un des sujets les plus importants de ma vie, la pop-culture. Ça m’a aidé à traverser beaucoup de tragédies. Les super-héros m’ont sauvé au sens littéral. Et le problème, c’est que c’était tellement proche et précieux pour moi, que j’avais peur de ne pas pouvoir en rire, et j’avais aussi peur d’être un peu jugé par rapport à ça. Je suis plus jeune que beaucoup d’humoristes politiques qui ont pignon sur rue, et j’ai souffert du syndrome de Bel-Ami : pour bien me faire voir par un milieu que j’estimais, j’ai voulu utiliser des mots « compte-triple », j’en ai fait des tonnes pour montrer que je maitrisais. M’habiller des oripeaux du chansonnier, c’était une manière pour moi de dire « J’ai le teint mat, mais je suis un humoriste « fraaaançais » !!! » Et je me disais que si j’arrivais de mon quartier avec ma casquette geek, qui ça pourrait intéresser ? Ça m’a travaillé pendant des années. Et quand j’ai proposé le format de « Blockbuster » il y a 6 ans à France Inter, et que j’ai commencé à en voir les résultats en termes d’audience, de pouvoir mettre en avant d’autres passionnés et parler de sujets comme ça sur une chaine généraliste, ça m’a permis d’assumer beaucoup plus ce que j’étais profondément. Ensuite avec ma famille, on a vécu un tel drame ces dernières années, qui m’a complètement bouleversé, que j’ai eu un besoin irrépressible d’écrire un spectacle au plus près de ce que j’étais, de dire la vérité, que ça plaise ou pas, mais qu’au moins je me fasse plaisir. J’ai passé quinze ans quasiment à parler de ceux que je n’aimais pas, je me suis dit qu’il était temps de parler de ce que j’aimais et qui m’aidait à supporter ce quotidien. 

Dans le spectacle vous parlez également à plusieurs reprises de l’aspect déceptif de la réalité par rapport à la fiction. Alors, pilule bleue ou pilule rouge ?

Alors c’est compliqué parce que personne ne peut supporter la pilule rouge en fait, d’après moi. (Rires) C’est un trait de l’humanité de ne pas supporter les choses telles qu’elles sont. On a besoin de fiction, de se raconter des histoires pour pouvoir travailler ensemble, pour rendre le quotidien supportable… Parce que sinon on pète un câble. C’est vrai que souvent, quand je parle de fiction, les gens se disent « ben il parle de ciné, de livres, de bandes-dessinées » et ce que j’essaye de faire comprendre dans le spectacle, c’est qu’en fait on est tous régi par une fiction, on se raconte tous des histoires ! Il n’y a qu’à voir la manière dont on prend position par rapport à des pays qu’on n’a jamais visité et qu’on ne visitera peut-être jamais… Si on prenait vraiment des décisions et qu’on tenait des discours seulement sur la base de ce qu’on connait de manière empirique, par exemple nos proches, des endroits qu’on a vraiment visités… la majeure partie du temps, on dirait « je n’en sais rien, je ne sais pas, je ne connais pas… » ! Il y a une fiction acceptée par tous et qui passe pour être la réalité, mais qui n’est pas beaucoup plus vérifiable au final que les films qu’on regarde ou les récits d’aventures dont on s’abreuve. Et si on prenait la pilule rouge pure, sans la diluer par cette fiction collective, on serait tous comme le Joker dans notre tête ! Si on regarde le ciel, l’univers on se rend bien compte que ce qui nous saute aux yeux, c’est l’absence de présence de l’humanité. Cet univers-là, faut arrêter, il n’a pas été fait pour l’Homme, nous sommes un heureux accident ! Et comme on n’est pas capable de se dire qu’on est là par hasard, point, on s’est inventé des récits, « y a forcément une raison à tout ça ». Une raison à la vie, au vent, etc… On donne de l’importance à nos actions, à l’amour, on fait des films là-dessus. Mais au final, est-ce que ce ne sont pas seulement des carottes qu’on s’agite devant soi pour continuer d’avancer et ne pas devenir fou ? je n’ai pas la réponse… Mais la pilule rouge, c’est voir le monde dans ce qu’il a de plus chaotique et de plus absurde, et je pense qu’on n’est pas prêt à le supporter.

D’ailleurs, puisqu’on parle de fiction qui aide à accepter le quotidien, dans le spectacle, vous abordez la religion. Est-ce que dans cette optique, les religions et les grandes mythologies ne peuvent pas être considérées comme des proto-récits geek ?

Ça ne fait pas l’ombre d’un doute ! C’est juste un sophisme de dire que ce qui se passe dans la Bible, c’est un texte sacré, et que le Seigneur des Anneaux, ça rentre au rayon fantasy. Ce sont des postures, parce que quand on regarde par exemple à l’échelle du cinéma, la manière dont la franchise Star Wars évolue, moi je suis passionné ! Déjà parce que la religion Jedi a été validée aux Etats-Unis comme une religion reconnue, qui a suffisamment d’adeptes … Et de la même manière que dans la Bible on trouve des récits apocryphes, entre la Guerre des Etoiles voulue par Georges Lucas et ce qu’elle sera dans 5 ou 10 ans avec les apports des Favreau, des Filoni, je suis sûr que si ça continue encore pendant des années, on se demandera qui est à l’origine de quoi… Il y aura des versions différentes, celle des puristes, celle des fans radicaux, d’autres plus modérés… A l’échelle du divertissement, on a au fur et à mesure la constitution d’une communauté quasi-religieuse ! Et tout ça, ça passe par le récit, c’est un peu comme grillot qui raconte son histoire sous l’arbre à palabres, et au fur et à mesure, il l’amplifie de son talent, de sa singularité, de sa voix, et le récit initial grossit, se transforme, se modifie… Les religions sont juste des terrains geek qui ont été sanctifiés par une certaine partie de la population. Et parfois ce serait bien de se rappeler qu’avant tout, c’était un kiff de certaines personnes ! (Rires) 

Etant donné que le titre de ce one-man-show est « Super-Héros », vous traitez évidemment du cas de nombreux personnages, en particulier Batman, Superman et Spiderman… Les comics, vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit ?

Je pense que j’ai commencé à lire des comic-books avant même de lire des romans, c’est avec ça que j’ai appris à lire. Le premier que j’ai eu, c’est mon oncle qui me l’a donné, c’était un Spécial Strange. Et j’ai commencé par les X-Men avec Serval, Diablo, Malicia (Wolverine, Nightcrawler et Rogue en VF à l’époque) et pour moi, c’est tombé à une période de ma vie qui était compliquée. J’ai toujours eu des rapports très conflictuels avec mon père, j’en avais extrêmement peur. Et donc forcément, je me suis retrouvé en carence de figure paternelle. Je suis dit « Si c’est ça un homme, je n’ai pas envie de le devenir. » Et pendant très longtemps, mon maître à penser, ça a été Logan, ce qui m’a valu beaucoup de soucis comportementaux à l’adolescence. Je me demandais, « Qu’est-ce qu’il ferait Logan dans cette situation ? » et invariablement, ça finissait en bagarre ! Mon compas moral, c’était Wolverine, et à un moment, j’ai fini par me rendre compte qu’un gars qui règle ses comptes avec des griffes en adamantium au bout des poings, ce n’était pas un modèle à suivre…(rires) Depuis, le personnage à évolué, suite au run de Miller et Claremont notamment, qui en ont fait une sorte de ronin, et qui est devenu peu à peu un père de substitution pour beaucoup de jeunes mutants. C’est la même dynamique qu’on retrouvait dans Lone Wolf and Cub, et qu’on nous ressert aujourd’hui dans the Mandalorian avec ce personnage bourru, taciturne qui ouvre la porte de sa sensibilité en présence de Grogu. Et l’évolution de Wolverine, c’est presque un chemin sociologique de la fin du patriarcat et du masculinisme. On passe de la brute épaisse et sauvage qui laisse derrière lui des montagnes de cadavres à un homme qui pleure en voyant la femme qu’il aime ou en regardant un enfant. 

L’un des autres mythes fondateurs de votre pop-culture, c’est Star Wars. Vous n’êtes d’ailleurs pas tendre avec la fan-base de la saga. Vous les trouvez trop sectaires actuellement ?

En fait, je ne suis pas tendre avec le communautarisme en général. Je déteste ça. Que ce soit, religieux, politique ou autre, j’ai horreur des gens qui s’emportent. Parce qu’au bout d’un moment, je ne sais plus si le discours que j’entends vient de la personne en face de moi ou s’il vient du groupe dont il se réclame. Et je n’aime pas cette notion de club qui décerne les bons et les mauvais points. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout aimer, évidemment ! Mais j’ai du mal avec cette vision du club fermé dans lequel on est tenu d’avoir la même position que le reste du groupe. Moi j’aime bien les gens qui doutent, qui disent « Je ne sais pas ». On est nombreux et on gagnerait beaucoup à se dire que la personne en face de soi, même si elle fait ou pense les choses différemment, ça n’en fait pas forcément un sombre abruti. Et en plus, ce que je n’aime absolument pas dans les communautés de fans, c’est quand au bout d’un moment, ils décident à la place de ceux qui ont fait. Ça m’insupporte, parce que tu peux être le meilleur fan, avec tous les badges et médaillons d’honneur qui prouvent que tu connais par cœur telle ou telle œuvre, ce n’est pas toi qui vas faire la série, ce n’est pas toi qui fais le film. Donc que ça te plaise ou pas, y a un auteur qui a donné sa vision. T’as le droit de pas l’aimer, mais c’est autre chose de dire que « c’est de la merde », « Je veux qu’on signe une pétition pour le refaire », « On a ruiné mon enfance ». Non, on n’a rien ruiné du tout, et c’est partout qu’on voit ce genre de personne pourtant. C’est exactement le même aspect totalitaire qu’on peut retrouver chez des talibans ou des djihadistes. Le capitalisme moderne favorise les intégrismes. C’est à l’image du slogan MacDo « venez comme vous êtes ». C’est le pire slogan du monde, mais le plus franc. Ça veut dire qu’il n’y a plus d’effort à faire pour changer, que ce n’est pas à moi d’essayer de comprendre quelque chose qui est différent de moi ou qui me dépasse, mais c’est à la société de s’aligner sur ce que je suis de base. Donc filez moi exactement ce que j’ai envie de voir. Donnez-moi des algorithmes qui me correspondent exactement. Et en fait elle est où la découverte là-dedans ? Où sont les échanges ? Où est la possibilité de changer d’avis sur une question après avoir vu une autre vision que la sienne ? Donc tout d’un coup, on évoluerait plus du tout, on resterait figé dans ce qu’on est au départ. Moi j’ai envie d’être surpris, j’ai envie de lire des livres qui m’ennuient, d’entendre des propos qui me dérangent, pour pouvoir y réfléchir, évoluer. Avec l’allongement de l’espérance de vie, je n’ai pas envie de me faire chier à faire la même chose pendant 70 ans, à regarder les mêmes séries, les mêmes films. Et derrière les communautarismes, il y a cette idée de « faut pas toucher ». A l’échelle du divertissement, tu y retrouves le condensé du pire de l’humanité. Derrière le mot fan, il y a le fanatique, et c’est quelque chose d’un peu terrifiant parfois. 

Vous évoquez beaucoup le rapport à l’enfance, comme si tous ces univers qui vous passionnent étaient autant de madeleines de Proust. Est-ce qu’on peut devenir geek sur le tard, si l’on n’a pas été nourri de ça enfant ?

Je pense qu’on peut être passionné par quelque chose. Il y a des gens qui sont geeks mais ne le savent pas. Parce que leur vision de la pop-culture, ce sont des choses qu’ils ne connaissent pas, qu’ils n’ont pas regardé, qui ne les intéressent pas. Et quand on creuse un petit peu, ils vont te parler de cyclisme, d’Eddy Mitchell, de Supertramp. Et ils vont être hyper précis, documentés. Et plus ils parlent, plus tu te rends compte qu’ils ont été geeks de telle ou telle chose, mais ils ne se sont jamais identifiés comme tels. Je le vois à la radio, quand je parle de sujets un peu plus anciens. Je me souviens d’une émission sur Sherlock Holmes, où le plus jeune de mon plateau d’invités devait avoir 60 ans, et il t’expliquait avec des étoiles dans les yeux que tous les ans il se retrouvait à Baker Street déguisé en Sherlock Holmes pour leur convention. Et elle est où la différence avec les visiteurs de la Japan Expo ? Ce n’est juste pas ouvertement lié au jeux vidéo, au manga, aux comics ou à la SF. Moi j’estime que le gars qui sait qui était arrivé 28ème au Tour de France de 1982, oui il est déjà bien passionné aussi ! 

On sent parfois une certaine frustration dans le fait que cette passion pour les comics, les jeux-vidéos, les mangas, etc. est devenue tendance ces dernières années, alors que vous avez été vous-même ostracisé pour l’avoir eue il y a un peu plus de 30 ans… Pouvoir en faire votre métier d’une certaine manière, c’est une revanche ?

Je ne sais pas si c’est une revanche. Je ne le vois pas comme ça, parce que je n’en veux à personne. Et puis même si j’ai eu des gros coups durs dans mon existence, je n’ai jamais été malheureux de faire quoique ce soit. J’ai vraiment toujours eu la chance de faire ce qui m’éclatait, à n’importe quel moment de ma vie. Quand j’étais un cancre à l’école, je le vivais à 122%, j’étais content d’être un cancre. Moi ça me gênait pas du tout d’avoir de très mauvais résultats et de foutre un bordel pas possible en classe. Je suis trop feignant pour être malheureux en fait. Non moi je suis un jouisseur, n’y a pas cette idée de revanche, de « j’en veux à quelque chose ou quelqu’un ». Non ce qui me dérange le plus, c’est quand une société marchande à une manière de faire qui me gêne, et ce que j’adorerai, c’est que les gens qui plébiscitent les séries et les films de super-héros aillent dans une librairie et qu’ils se mettent à lire beaucoup plus de comic-books ! Qu’ils découvrent des trucs qu’ils n’ont pas vu au cinéma, et que les auteurs aient les coudées franches pour faire des histoires originales, et que les éditeurs ne viennent pas les emmerder pour leur dire « tiens faudrait que tu développes tel ou tel personnage parce qu’il va y avoir un film qui va sortir l’année prochaine et donc faut le mettre en avant ». J’aimerai qu’on retrouve ce que j’ai connu quand moi j’étais petit, cette période d’effervescence artistique et créatrice, où il n’y avait pas encore des mecs en costume issus d’école de marketing qui font des tableaux excel et des powerpoints pour analyser les goûts du public. Le souci, c’est qu’effectivement il y a une certaine forme de la pop-culture qui s’est complètement démocratisée et qui est plébiscité par le plus grand nombre, mais le matériel d’origine, la bande-dessinée ou le roman, n’y gagne pas forcément. Ce qui me fait de la peine, c’est que j’ai peur qu’au bout d’un moment le matériel d’origine soit perçu comme le produit dérivé de quelque chose qui est arrivé après. C’est beaucoup plus intéressant quand ça marche main dans la main. Et ce n’est pas le cas pour le comics, contrairement au manga je trouve. Et c’est vraiment préjudiciable. Mais on a beau ergoter, si le gros film du moment a fait plus de 300 millions de dollars en même pas 15 jours, la messe est dite ! Tu peux toujours aller voir le financier qui gère ça et lui dire que ce serait bien de remettre un peu d’art dans tout ça, il va te répondre « De l’art ? vous voulez dire comme dans le dernier Spielberg qui a bidé au box -office ? ou comme dans le dernier Del Toro qui a bidé aussi ? Si c’est l’art comme ça… non moi je préfère quand on rajoute -gent après art … » 

Vous expliquez durant le spectacle que « Blockbuster », votre émission estivale qui a atteint sa 5ème saison sur France Inter, est une sorte de Cheval de Troie pour diffuser la culture geek sur une radio aux auditeurs pas forcément habitués à ces références. Faire connaitre aux non-initiés les Tortues Ninjas, Robocop ou Tolkien, c’est une sorte de croisade pour vous ?

Complètement ! Pour moi c’est une vraie croisade, parce que je n’aime pas le communautarisme. Et il y a un communautarisme intellectuel et un mépris de classe que j’ai toujours vu. Je me suis retrouvé à faire du théâtre dans un réseau pas privé mais public. Donc avec des grands auteurs du théâtre subventionné, Koltès, Brecht, etc. Et j’ai intégré des classes sociales dans lesquelles j’avais de base très peu de chances d’évoluer. En parlant avec eux, je me suis rendu compte, alors que j’arrivais avec un complexe d’infériorité terrible, qu’il y avait chez ces gens-là une grosse part de poseurs ! Des gens qui vont agiter deux-trois concepts un peu fumeux, deux-trois tournures de phrases un peu penchées, mais on ne peut pas véritablement dire que c’est de l’intelligence, plutôt un étalage de culture de bon aloi. Mais il n’y avait pas forcément une véritable ouverture ou une vraie réflexion sur ce qui était régurgité. Et ça, je l’ai vu quel que soit la classe sociale. Donc, n’y a rien qui m’énerve plus que de voir des gens qui vont attendre qu’un truc soit estampillé classique ou reconnu par deux-trois ayant-droits qui ont « la carte » (les Inrocks, Télérama, Le Masque et la Plume…) et qui vont dire « ça, c’est un bon film, ou une belle pièce, etc. », et qui vont du coup plus du tout penser par eux-mêmes. Moi par exemple je suis plus ému par une scène de « Quatre mariages et un enterrement », de « Bridget Jones » ou même de « Predator » que par la totalité de Citizen Kane, ou de Barry Lindon. Ça ne veut pas dire que ce sont de mauvais films, mais simplement que l’émotion ressentie peut apparaitre partout, et parfois sous des formes qu’on ne sacralise pas. Je trouve par exemple que Vice-Versa de Pixar a fait beaucoup plus pour la psychanalyse des peuples que la plupart des bouquins de bien-être. Un Miyazaki par exemple, alors que c’est de la 2D animée à la main, de simples feuilles de celluloïd, ça te reconnecte à la nature de manière bien plus importante qu’un documentaire ou des photos à la con de Yann Artus-Bertrand. C’est pour ça que, particulièrement sur le service public, je trouvais qu’il fallait que ça ait sa place ! Non pas pour dire « c’est mieux que… » mais « ça mérite autant ». D’autant plus que le service public, il est financé par l’impôt des gens. Donc au bout d’un moment, je trouve que c’est normal que des gens qui adorent les Pokemon, Mylène Farmer, les Tortues Ninjas ou autre, ils entendent parler de ça au moins une fois sur une radio qu’ils paient avec leurs impôts. Ça me semble logique. 

En règle générale, trouvez-vous que les médias classiques traitent la pop-culture convenablement ?

Je pense qu’il y a un problème de la pyramide des âges, même si ça change pas mal ces dernières années. C’est-à-dire que ce sont souvent des vieux messieurs et des vieilles dames qui sont toujours aux postes-clés, et donc ils font en fonction de ce qu’ils connaissent. Alors forcément ils ne vont pas traiter de la pop-culture tel qu’elle le mérite parce qu’ils ne la connaissent pas. Mais ça évolue, parce qu’il y a des gens qui s’en vont, ils sont remplacés par des gens un peu plus jeunes qui ont grandi avec ça. Donc ça s’est démocratisé au fur et à mesure, et le travail est déjà bien avancé. Après arrive pour moi un second problème qui est plus lié à l’explosion du modèle d’internet. Parce que ça a permis à plein de passionnés de remplir ce vide, qui a existé longtemps autour de la pop-culture, via des podcasts sur des chaines Youtube, Twitch, etc. Mais le premier souci, c’est qu’ils le font avec un vocabulaire souvent vernaculaire qui ne permet pas de créer une médiation avec les plus âgés. Parce qu’il va y avoir des anglicismes à toutes les phrases, on va parler de « McGuffin », de « lore », de « skills », et si tu penses à tes parents ou grands-parents, ils ne comprennent rien ! Ça aura beau être très intéressant, il n’y aura pas de médiation entre le gars qui parle sur sa chaine et la génération d’avant pour qu’ils puissent se comprendre et apprécier ce qui se dit. Il y a donc un problème de forme déjà. Et ensuite, sur internet, on est sur des modèles économiques qui sont financés par de la pub. Maintenant, tout le monde peut réaliser son rêve d’émission télé ou radio depuis chez soi, mais le problème c’est qu’il faut des vues. Donc on va utiliser un sujet qui va attirer le maximum de gens, alors il va falloir rebondir sur la dernière bande-annonce du dernier gros blockbuster, etc, pour générer du flux sur sa chaine. Et de manière très perverse, tu deviens peu à peu un homme ou une femme « sandwich », qui va parler de gros jeux, de grosses sorties, parce que c’est la nouveauté, la tendance du moment, et que ça te permet de gagner un peu ta vie. C’est totalement justifiable et justifié, simplement au bout d’un moment ça crée une sorte de petit prisme déformé de la richesse de la pop-culture. C’est pour ça qu’en général j’aime bien parler de sujets qui sont déjà un peu dépassés en fait, des trucs mieux inscrits dans le temps, comme ça je n’ai pas l’impression de faire directement de la pub pour un produit. C’est pour ça que parfois je repousse certains sujets à plus tard, pour sortir de ce système. Si je parle de Thanos dans l’émission, ce sera celui des comics créés par Jim Starlin, pas celui du MCU, avec Disney derrière. Ça m’intéresse plus que les gens aillent acheter une BD chez le libraire que de leur vendre un abonnement Disney Plus supplémentaire. 

Et un format télévisuel de Blockbuster est-il une éventualité envisageable un jour ?

Le nom appartenant à France Inter, si ça se faisait, il faudrait soit que France Inter veuille porter ça à l’écran comme ils l’ont fait pour l’émission «Affaires sensibles», soit qu’on change de nom. Mais d’une part, on en est pas au même statut de reconnaissance qu’« Affaires sensibles»,  et d’autre part, ce qui me plait dans le format radio (et merci au service public pour ça), c’est qu’en terme de réalisation, on a accès à la banque d’archives de Radio France et de l’INA (bande-son, extraits…) et tout ça, à la télé, ce serait impossible parce qu’en droits d’auteurs, on exploserait tout ! Donc le modèle tel quel est difficilement exportable.

Dans le spectacle, vous ne mentionnez que très peu les jeux-vidéos, qui pourtant sont une part importante de votre culture. Est-ce parce que vous y avez déjà consacré une mini-série avec Space Game ?

Contrairement à un film, le jeu-vidéo, même si c’est aujourd’hui une industrie qui rapporte plus que le cinéma, pour comprendre de quoi on parle, il faut vraiment avoir un rapport singulier et investi avec le titre en question. Tu peux résumer un film à quelqu’un qui ne l’a pas vu, c’est beaucoup plus compliqué de résumer un jeu si l’autre l’a pas fait. Pour comprendre, il faut être passé par le même niveau, avoir battu les mêmes boss, avoir vécu cette expérience de manière personnelle, etc. Alors tu peux parler des grandes mascottes connues, Mario, Luigi, etc, mais pour le fonds d’un jeu vidéo, il est nécessaire d’avoir une narration différente sur scène, pour que ce soit universel. Et via Space Game, via le contexte d’une boutique de jeux-vidéos, c’est une forme plus propice à parler du jeu-vidéo que le spectacle, toujours dans un esprit de médiation avec le grand public.

Quelles ont-été vos références et sources d’inspiration pour cette série ?

Clairement, c’est « High Fidelity ». Ma plus grosse référence, c’est ce film avec John Cusack qui se passe dans le quotidien d’un disquaire. C’est sorti il y a des années, et après avoir vu ce film, pendant très longtemps, j’ai écrit le scénario d’un long-métrage, une comédie romantique qui se passait dans une boutique de comic-books, parce que j’achetais mes comics à Pulp’s, rue Dante à Paris. Je trouvais que cette ambiance, ces gens qui viennent le matin vendre des trucs qui font kiffer, les voir se chambrer les uns les autres, je trouvais qu’il y avait quelque chose de l’ordre de la famille d’adulescents. Ça me plaisait bien. Et des années plus tard, en travaillant à France 3 pour  « Boulevard de la scène », le directeur des programmes m’a proposé de capter mon spectacle. Et ça a tellement marché qu’il est venu me voir en me disant « c’est marrant, on a touché un public qu’on ne touche pas habituellement, est-ce que tu aurais une idée de mini-série dans le même esprit ? » Et je lui ai dit que j’avais écrit quelque chose sur les comic-shops il y a quelques années, mais que malheureusement de nos jours il n’y a plus assez de gens qui rentrent dans ce genre de boutique pour que ce soit universel. Par contre, je savais qu’il y avait assez de gens qui connaissent le jeu-vidéo grâce notamment à la 3DS, à la Wii, la Game-Cube et tout ça, et en plus j’ai commencé à travailler au black quand j’avais 12 ans dans un magasin de jeux-vidéos. C’était mon 1er métier, et c’était grâce à ça que je me payais mes bandes-dessinées. Et c’est aussi comme ça que j’ai eu ma première Megadrive, avec Altered Beast… Du coup je pouvais parler de ça ! D’ailleurs pour l’anecdote, c’est le directeur du magasin où je travaillais qui, parce que j’avais déjà commencé à écrire des sketches, m’a emmené pour la première fois à Paris pour rencontrer son frère qui travaillait avec Pierre Palmade, afin de me donner des conseils dans le one-man-show. 

Ce lancement ne comportait qu’une dizaine d’épisodes. Peut-on espérer retrouver les aventures d’Arnaud, Stéphanie et Lenny pour une seconde saison ?

Oui, 10 épisodes qui ont été diffusés pendant les vacances de noël sur France 3 Île-de-France, et d’ailleurs on n’en est pas revenus parce qu’à partir de la validation, tout s’est fait en 3 ou 4 semaines. Ça a été tourné, monté et diffusé dans la foulée. C’était du jamais vu. Ça passait avant le JT de France 3 Île-de-France, et ça a tellement bien marché (autour de 300 000 spectateurs par soir, ce qui est énorme pour une antenne locale de France 3), sans parler des retours sur le Tik Tok de France 3 (avec des vidéos qui ont atteint le million de vues), qu’ils nous ont commandé une quarantaine de nouveaux épisodes pour la saison 2. Cette fois-ci je ne serais pas tout seul pour les écrire d’ailleurs. Et logiquement, ils seront diffusés à partir de septembre à raison de deux épisodes par week-end toute l’année. 

Et vous-même, vous êtes plutôt adepte du retro-gaming, ou au contraire des jeux triple A des dernières consoles Next Gen ?

Je suis adepte du rétro-gaming et de la next-gen. Je suis adepte de tout en fait ! En ce moment je suis à la fois sur Pokemon Arceus, j’ai précommandé Sifu sur PS5, et je me suis remis à jour à Assassin’s Creed Valhalla pour profiter de la sortie du DLC sur Odin. Sinon, toujours Forza, Farcry, Marvel Avengers, je joue vraiment à beaucoup de choses. Je partage mon temps entre l’Ipad, la PS5, la Xbox Serie et la Switch. 

Le magasin imaginé dans la série rappelle évidemment de nombreuses enseignes vidéoludiques bien connues. Mais comment voyez-vous l’avenir du jeu vidéo avec la dématérialisation ?

Je tenais à ce que ce soit un magasin de franchise, pas une boutique de retro-gaming, parce que je voulais qu’il y ait des seniors, des cadres, des gens qui n’y connaissent rien, qui débarquent. Mais clairement, ce sont des boutiques vouées à disparaitre. C’est comme les vidéo-clubs. Je pense qu’on va aller vers des formules de type abonnement, comme ce qu’a mis en place Microsoft avec le Game Pass, et de la même manière qu’il y a Netflix, on se tapera des abonnements globaux qui donneront accès à plusieurs jeux, aux séries, aux films, à la musique. Les GAFA vont finir par proposer des offres groupées dans ce genre.

Vous avez grandi avec les magazines kiosques, notamment les éditions LUG avec Strange et consorts. De nos jours , alors que nous même tenons à maintenir ce lien avec l’édition papier, cela tient toujours une place importante dans votre imaginaire geek ?

Oui, un beau livre, ça reste un plaisir. Particulièrement en France, on a un beau papier, des couvertures magnifiques. Là j’ai chez moi la collection des Conan en version française, c’est magnifique. Et un beau magazine, c’est pareil, Atom, Geek magazine, Animeland, ce sont de beaux magazines, avec de bons articles. Moi je suis un grand nostalgique de Comic Box également. Moi si je me suis mis au dématérialisé, c’est avant tout parce que j’ai deux enfants, et que ma collection est telle que j’ai colonisé tout un garage, je ne peux pas attaquer une pièce de plus sinon je me fais défoncer… (rires)

Comme on le disait au début de cet entretien, vous êtes un touche-à-tout. Vous avez aussi une formation de comédien dramatique. Est-ce qu’on peut s’attendre à vous voir sur un projet de long-métrage dans un futur plus ou moins proche ?

Oui, je pense même que tout ce que je fais depuis des années, ce sont des petits pas pour avancer vers ce que je veux, à savoir écrire et réaliser mon film

Vous racontez à un moment du spectacle que vous faites peur à votre fils en étant parfois trop intransigeant sur le respect des VO de Dragon Ball notamment. Est-ce qu’à l’inverse, il parvient à vous initier à des licences de sa génération qui d’emblée ne vous aurait pas parlé ?

Oui, ça a été le cas pour Spy Family, un manga que je ne connaissais pas du tout. Dr Stone également. C’est vraiment son truc. Les jeux-vidéos Yo Kai Watch aussi, qui sont très sympas. Et en dessin-animé, il m’en à fait découvrir plein : Troll hunters, Voltron, le Prince Dragon, Gumball surtout ! Qu’est-ce que c’est drôle !!! Ma fille aussi, qui m’a fait regarder Miraculous, et franchement y a quelques épisodes vraiment bien. La nouvelle série petit Poney aussi. Non, ils me font vraiment découvrir plein de choses, et ils ont un goût assez sur. Ils sont supers !

Pour terminer cet entretien, on ne pouvait s’empêcher de vous poser cette question :
si vous aviez un super-pouvoir, ce serait lequel et pourquoi ?

Je pense que j’aimerai bien guérir les gens. Voler ça ne m’intéresse absolument pas. Déjà parce que j’ai le vertige, et puis j’aurais trop peur que ça s’arrête d’un coup sans raison, du coup je volerai qu’à un mètre au-dessus du sol… Donc ce n’est pas hyper intéressant. Etre invisible faut être tout nu tout le temps. Ce n’est pas très confortable. Être invulnérable, ça implique que si tu veux te faire vacciner, ben personne peut te piquer, et une opération à cœur ouvert, t’es dans la merde. Lire dans la tête des gens, télépathe, ce genre de chose, le problème c’est que c’est trop de pouvoir, et je ne me fais pas confiance, j’en abuserai. Puis le problème pour un humoriste, c’est que tu ne sais pas si tes blagues sont vraiment drôles ou si tu rentres dans la tête des gens pour les forcer à rire… Tu ne sais pas si tu as du talent ou si tu es un grand manipulateur. Donc guérir les gens, ça c’est cool.  

Propos recueillis par Nicolas SUMIEN pour GEEK MAGAZINE

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Rédacteur en chef adjoint à Geek Magazine, Responsable de publication web pour Geektribes.fr, également spécialiste Littérature, séries, cinéma, pop culture, Jeux de Rôles, jeux de sociétés (et figurines), high-tech, réseaux sociaux community manager.

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