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Je ne vous ferai pas l’offense de vous présenter Alien, une saga de science-fiction horrifique étalée sur six films (plus deux crossovers un peu HS avec des Predators), sans parler des romans, BD et autres jeux vidéos dérivés de son univers. En dépit d’une atmosphère exceptionnelle parfaitement adaptée aux jeux d’ambiance, Alien semblait jusque-là inadaptable en jeu de rôle. Et pourtant…

Et j'ai crié "Alien", pour qu'il revienne...

Adapter l’inadaptable

Comment exploiter un concept où les joueurs connaissent déjà la nature de la menace invisible qui plane sur leur personnage, tout en le sachant condamné à mort ? Le principe même du jeu de rôle consistant à développer un alter ego sur plusieurs parties, la pilule était dure à faire avaler. Pourtant, une tentative a vu le jour en 1992 (Aliens – Adventure Game), mais celle-ci était davantage axée sur l’action, et se concentrait sur les capacités guerrières des Marines Coloniaux du second film. En 2019, Free League Publishing (Tales From the Loop) se mit toutefois en tête d’adapter l’intégralité de la franchise en jeu de rôle. Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour qu’Arkhane Asylum (Vampire – la Mascarade) ait la bonne idée de nous le proposer en VF.

2020. La VF débarque en force.

Mais commençons par le début. En préambule au livre de base d’Alien, l’éditeur niçois a publié en octobre 2020 un kit de démarrage au contenu assez bluffant, sous la forme d’une énorme boîte. Remplie à ras bord, celle-ci recelait les règles de base, un scénario (le Chariot des Dieux), des PJ pré-tirés, des cartes, des pions, les dés spéciaux, et une carte de l’espace assez grande et solide pour en faire une nappe de cuisine. De quoi appréhender un univers et un système assez singuliers dans le monde du JdR, tout en abandonnant les joueurs avec un sentiment de frustration. On en voulait plus ! Il n’aura pas fallu attendre longtemps (décembre 2020) pour voir apparaître un livre de base de 392 pages. Celui-ci ne fit que confirmer l’avant-goût distillé par le kit.

Le livre de base, l'écran, et Dédé

Connaître son ennemi

Pour contrer les problèmes évoqués, le jeu ne se contente pas d’exploiter les xénomorphes en tant qu’antagonistes, et recycle l’intégralité du bestiaire des films en y additionnant les manigances des corporations sans scrupules, la compagnie Weyland-Yutani en tête. Chaque joueur poursuit un objectif personnel secret, et peut tout à fait incarner un traître androïde missionné pour piéger l’équipe. La paranoïa et l’angoisse ambiantes deviennent ainsi des éléments de jeu davantage prédominants que les rares affrontements mortels des PJ avec des créatures plus puissantes qu’eux.

Vivre ou survivre

Concernant la faible espérance de vie des personnages, un système original permet de contenter tout le monde avec deux modes de jeu. L’un, qualifié de « cinématique », repose sur des scénarios one-shot, des aventures indépendantes jouables avec des personnages pré-tirés remplaçables, plus ou moins destinés à mourir. Le second, le mode campagne, permet de prolonger une grande histoire sur plusieurs scénarios, de façon plus traditionnelle. Ces deux options permettent donc de jouer sur le court et le long terme en réservant aux joueurs des surprises pas nécessairement relatives aux sempiternels xénomorphes.

Échec critique

Don’t panic

Mais quid de l’ambiance ? Car le réel intérêt d’une adaptation d’Alien se trouve là. Nous arrivons à tout ce qui fait le sel de cette adaptation décidément surprenante, qui innove également avec un système de stress. Explication : l’atmosphère de paranoïa que doit entretenir le MJ (ici nommé « Maman », comme l’ordinateur de bord du Nostromo), et le fait de « forcer un test » (relancer les dés) octroient aux PJ des « niveaux de stress ». De façon assez astucieuse, cette montée d’adrénaline entraîne un résultat positif, mais à double-tranchant. Il complète ainsi un système de test assez simple, hérité de Mutant – Année Zéro.

Simple comme bonjour

Jugez plutôt : un PJ possède 4 attributs avec 3 compétences chacun. Lors d’un test, on additionne le score de l’attribut et de la compétence pour jeter les dés (ex. : Esprit 3 + Survie 2 = 5 dés). Un six obtenu est une réussite. Et c’est tout ! Pas de seuil de difficulté, à part des modificateurs pour les situations exceptionnelles. Et le stress, dans tout ça ? Eh bien vous devez lancer en sus autant de dés que votre niveau de stress. Vous avez ainsi plus de chances d’obtenir un succès, mais attention : le moindre 1 obtenu sur ces dés spéciaux vous oblige à faire un test de panique ! Alien est donc clairement un jeu où les règles sont au service de l’ambiance. Notons au passage que, si des dés spécifiques sont vendus par l’éditeur (et fournis dans le kit), il est tout à fait possible d’utiliser des dés normaux un peu « trafiqués » avec des stickers.

Dans l'espace, personne ne vous entendra crier

Du bien bel ouvrage

Une approche studieuse, encyclopédique de la saga permet d’établir une cohérence dans un univers fourre-tout où la logique n’est pas forcément de mise. Le livre fait rondement le tour de son sujet et, au final, il vous sera possible de confronter des Marines à des Ingénieurs. Précisons toutefois que, si Prometheus et Alien Covenant son pris en compte dans le background, Alien Resurrection et les crossovers sont soigneusement éludés, ce dont on ne se plaindra pas.

Sur la forme, si on peut être rebuté par son aspect austère et des pages noires en papier glacé (attention aux traces de doigts !), force est de constater que le livre de base est très bien fait. Des illustrations stylisées reprennent des scènes de la saga, on regrettera juste de ne pas y trouver des choses un peu plus dérangeantes (dessins de Giger, le « Carnet de David »…). Plus essentiel, on trouve très facilement toutes les informations indispensables grâce à un chapitrage et un index complets et précis.

Vers l’infini…

Bonne nouvelle, Arkhane ne traîne pas et enchaîne les sorties. Mis à part le kit et le livre de base, l’écran est déjà disponible, ainsi que la campagne Le Destructeur des Mondes qui vous permet d’orienter les parties vers plus d’action avec des Marines Coloniaux. Oui, comme dans le jeu de 1989 cité en intro. La boucle est bouclée, mais la gamme en VO nous réserve sans doute encore bien des surprises…

Le méga kit de découverte et le supplément "Marines bourrins"
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Auteur pour plusieurs gammes de jeux de rôle (Wasteland, les Ombres d'Esteren) et Scénariste/Rédacteur pour Jeux de Rôle Magazine.

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